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150 jours, 150 nuits

Par le Dr. Jonathan TAÏEB
Secrétaire Général de l’AMIF

Actualité Juive, 14 mars 2024

Et vous, comment dormez-vous depuis le 7 octobre ?

Dépression, anxiété, troubles du sommeil… La santé de la société israélienne, comme des Juifs de France, s’est nettement dégradée depuis 5 mois maintenant. Malheureusement, je le constate chaque jour auprès de patients que je reçois dans mon cabinet parisien. Et en Israël, plusieurs données sont venues souligner ce phénomène.

« Nous avons clairement une urgence, en Israël, une sorte d’épidémie de problèmes de santé mentale », s’est alarmé le Pr Hagai Levine, Président de l’association des médecins de santé publique du pays. Le constat est analogue pour l’Association israélienne de psychologie (AIP). Aujourd’hui, les israéliens rechignent à répondre positivement à la question « Comment allez-vous ? », explique la Dr Sharona Maital, membre de la direction de l’AIP. Cette psychologue cite également une étude de l’Association israélienne de pédiatrie qui souligne que plus de 8 enfants sur 10 sont confrontés à un niveau d’anxiété élevé depuis le 7 octobre. Les adultes ne sont évidemment pas épargnés avec une prévalence en forte hausse des PTSD (stress post-traumatiques).

En conséquence, selon l’organisme israélien de sécurité sociale cette fois, la consommation d’anti-dépresseurs et d’anxiolytiques a augmenté de 70% en octobre puis de 20% en novembre dernier. Au-delà de ces chiffres éloquents, ce sont également les conséquences sur la santé qui m’interpellent. En effet, la prise de ces médicaments n’est absolument pas anodine et leurs effets secondaires nombreux…à commencer par une altération du sommeil.

Le sommeil justement fait lui aussi l’objet d’études scientifiques approfondies en Israël. Des recherches menées par le Dr. Udi Bonshtein, psychologue en chef du Centre hospitalier de Galilée, montrent que les rêves ont changé et que la qualité du sommeil s’est détériorée, en raison d’une forte anxiété et d’un stress post-traumatique chez les israéliens.

Ces symptômes sont notamment renforcés par une consommation accrue voire excessive des actualités que nous constatons tous autour de nous. Cette tendance, également appelée infolisme, c’est-à-dire une addiction aux informations, n’est pas sans conséquence. Dans une étude antérieure au 7 octobre (Dr Mélissa Gottlieb, Texas Tech University, Health Communication, 2022), on y apprend que 74 % des adultes dépendants aux informations souffrent de troubles mentaux, tandis que 61 % ressentent un mal-être physique, allant du « léger » au « très important ».

On peut alors aisément imaginer les conséquences dévastatrices de l’infolisme dans la période actuelle, sans parler de l’exposition nocturne aux écrans, une habitude néfaste contre laquelle le médecin spécialiste du sommeil que je suis lutte depuis plusieurs années maintenant.