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Hommage au Docteur Philippe Biderman

ALLER AU BOUT DE SES RÊVES par Nathalie Biderman

Il n’y a que deux conduites avec la vie : ou on la rêve, ou on l’accomplit” écrivait René Char. Philippe était de ceux qui ont accompli leurs rêves. Il nous a brutalement quittés le 28 mai. Trop tôt, beaucoup trop tôt. Il était l’un des médecins les plus reconnus en Israël. Il était aussi mon cousin germain. Il était surtout un époux amoureux et un père formidable.

Je ne saurais ici évoquer sa brillante carrière professionnelle et ses contributions médicales. Ce n’est pas mon domaine. Il était le “docteur” de la famille, moi “l’avocate”. Je sais maintenant, en revanche, que ses contributions ont été immenses à en juger par les témoignages de nombre de ses patients et les éloges de médecins renommés venus lui rendre un dernier hommage.

Enfants, puis adolescents, nous étions très proches. Il était comme un “grand frère”. Tant de souvenirs me reviennent en mémoire depuis ce dramatique lundi. Nos vacances à Jouy-sous-Thelle dans la maison de campagne de nos grands-parents, puis à Fougerolles-du-Plessis et Villers-sur-mer. Nos virées en voiture où nous écoutions ses cassettes de Georges Benson et Michael McDonald à tue-tête. Il adorait la musique. Nos discussions enflammées sur la “politique arabe de la France”…

Aussi loin que je puisse me souvenir, Philippe avait deux rêves: vivre en Israël et devenir médecin.

Et il y a 22 ans, après son internat, il a décidé de poursuivre ses rêves. Il est “monté” en Israël. Il n’a pas hésité à quitter une vie parisienne confortable et à tout recommencer.

Je venais souvent lui rendre visite. S’il me racontait ses difficultés à joindre les deux bouts, il ne se plaignait jamais. Il avait toujours cette volonté, forte et inflexible, cette passion pour sa nouvelle patrie et pour son métier, son envie irresistible d’accomplir ses rêves.

Mais avant de devenir cet éminent médecin, chef d’un des plus importants services de réanimation du Moyen-Orient, il a dû se confronter à la difficile réalité israélienne. Son épouse, avec qui il a construit une nouvelle et magnifique famille, l’a toujours soutenu pour surmonter ces obstacles.

Il y a quatre ans, j’ai décidé moi aussi de m’installer en Israël. Nous nous sommes retrouvés, et c’était formidable. Philippe adorait cuisiner et nous nous réunissions souvent pour les diners de shabbats, les fêtes, les anniversaires des uns et des autres. Il a été à mes côtés lorsque j’ai eu besoin de lui.

Philippe était humble et discret. Il avait choisi de vivre dans un moshav, à 40 km de Tel Aviv, dans une jolie maison, au milieu des champs, loin du tumulte des services d’urgences. Il repose aujourd’hui dans le petit cimetière de son village.

Il a accompli son rêve sioniste, certes. Mais il avait encore tant de belles années devant lui, à profiter de ce qu’il avait construit, avec courage et détermination. Bien plus que son nouveau poste de chef de service, ses quatre enfants faisaient sa fierté. Il ne les verra pas grandir.

Philippe est mort en salle de réanimation. Lui qui avait sauvé tant de vies, personne n’a réussi à le sauver… Si il avait pu se soigner, je ne serais probablement pas en train de le pleurer en écrivant  ces quelques lignes.

Il laisse un vide immense. Il me manque déjà tant.

Nathalie Biderman