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ÉTIOLOGIES ORGANIQUES ET IATROGÈNES DES TROUBLES PYSCHIATRIQUES

I – LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES D’ORIGINE ORGANIQUE

De nombreuses maladies organiques peuvent être à l’origine de troubles psychiques d’expression variable, on parle alors de TROUBLES PSYCHO-ORGANIQUES. Ces derniers sont la résultante de l’effet direct de la maladie organique associé aux réactions psychologiques de l’individu à cette maladie et à son traitement.

Rappelons également qu’une affection somatique n’exclut pas un trouble psychiatrique et vice-versa. Chez les patients atteints d’une maladie mentale, les comorbidités somatiques sont fréquentes et souvent sous-estimées du fait de l’absence de demande et plainte du patient, auquel se rajoutent les symptômes communs aux deux types d’affections (perte de poids, asthénie, anorexie…).

Lorsque les symptômes psychiatriques dominent, les patients risquent d’être orientés, en première intention, en psychiatrie. Le piège classique étant représenté lorsqu’il existe des antécédents psychiatriques connus. D’où l’importance de réfléchir au DIAGNOSTIC DIFFÉRENTIEL.

Les affections organiques peuvent reproduire toutes sortes de symptômes psychiatriques :

1/ Troubles de l’humeur : état dépressif, état maniaque, labilité thymique, état confuso-maniaque ou confuso-dépressif.

2/ Troubles psychotiques : délires et hallucinations, état confuso-délirant, état dissociatif.

3/ Troubles névrotiques : anxiété, angoisse massive, état de stress aigu ou chronique, troubles du sommeil.

4/ Modifications du caractère : irritabilité, oppositionnisme, pessimisme, découragement, indifférence, ruminations anxieuses.

5/ Modifications du comportement : apathie, fatigabilité, auto ou hétéro-agressivité, hyperactivité, conflits socio-familiaux, automutilations, suicides.

En psychiatrie, l’examen clinique et le recueil des signes et symptômes du patient restent déterminants, plus encore que dans les autres spécialités médicales. En effet, aucun test de laboratoire ne peut éliminer ou confirmer un diagnostic psychiatrique. La maladie mentale est un diagnostic d’élimination. Aussi, avant l’instauration d’un traitement psychiatrique, il est judicieux de s’assurer de l’absence d’affections médicales intercurrentes, susceptibles d’être à l’origine des troubles et réaliser un bilan médical complet. Ce dernier doit comporter au minimum :

  • Une ANAMNÈSE: recueil minutieux des antécédents médicaux, chirurgicaux et psychiatriques. Recherche des modifications récentes ou inhabituelles du comportement et du caractère, menée auprès du patient et surtout de son entourage.
  • Un EXAMEN CLINIQUE des différents appareils : neurologique, cardio-vasculaire, respiratoire, gastro-intestinal et hépatique, génito-mammaire…
  • Un BILAN BIOLOGIQUE: numération-formule-sanguine (NFS), plaquettes, CRP, exploration lipidique, glycémie, ionogramme sanguin, fonction rénale (urée, créatinémie), bilan hépatique (transaminases, γGT), calcémie, phosphorémie, bilan thyroïdien (T3 – T4 – TSH), recherche de toxiques sanguins et urinaires.
  • Les EXAMENS PARACLINIQUES: ECG – EEG, imagerie médicale en fonction du point d’appel clinique : radio du thorax, ASP, scanner, IRM.

Le bilan pourra être complété en fonction des pathologies suspectées. En effet, une maladie thyroïdienne, mais aussi d’autres endocrinopathies, peuvent se présenter comme un trouble de l’humeur ou un trouble psychotique ; un cancer ou une maladie infectieuse, comme une dépression ; une infection ou une connectivité comme une perturbation transitoire de l’état mental.

Par ailleurs, des affections neurologiques diverses peuvent initialement s’exprimer par un tableau clinique psychiatrique : la sclérose en plaques, la maladie de Parkinson, la démence d’Alzheimer, la chorée de Huntington, la démence liée au VIH, l’épilepsie surtout temporale ou frontale.

Au cours du diabète, l’hypoglycémie peut être responsable de troubles du comportement importants à type d’agitation psychomotrice et d’incohérence ou au contraire, des signes plus discrets à type d’anxiété ou de repli sur soi avec oppositionnisme (intérêt du DEXTRO+++).

De même, des troubles psychiques à type d’agitation, de stupeur, irritabilité, peuvent être les seuls signes précédant :

  • Un coma acidocétosique,
  • Un coma hyperosmolaire,
  • Un coma hypoglycémique.

Citons également les séquelles psychiques des traumatisés crâniens : hématome sous dural, syndrome « subjectif » des traumatisés du crâne, les états déficitaires post-traumatiques.

II – LES TROUBLES PSYCHIATRIQUES D’ORIGINE IATROGÈNE

Certains médicaments peuvent entraîner des troubles psychiques plus ou moins sévères dans le déclenchement desquels peuvent intervenir la posologie trop élevée et la susceptibilité particulière du sujet : sujet âgé, sujet présentant des antécédents psychiatriques.

Tous les troubles du comportement peuvent être rencontrés, en particulier :

→ Une confusion mentale

→ Des troubles de l’humeur : dépression ou manie

→ Des états délirants

La disparition des troubles à l’arrêt du produit demeure l’argument essentiel de l’étiologie iatrogène.

Les médicaments le plus souvent en cause : liste non exhaustive+++

  • Les inhibiteurs de la pompe À protons
  • Les Coxibs et les autres AINS
  • Les antalgiques comme la codéine, le dextropropoxyphène
  • Les corticoïdes dont les effets sont les mêmes que dans le syndrome de Cushing : les troubles psychiques y sont fréquents. Il s’agit le plus souvent de manifestations dépressives d’intensité modérée, parfois d’une euphorie, d’anxiété, d’insomnie ou d’irritabilité.

Plus rarement se constitue un tableau d’allure psychotique : mélancolie délirante ou plus exceptionnellement état maniaque. Les tableaux schizophréniformes sont rares, plutôt sous forme d’épisodes hallucinatoires aigus.

  • Les anti-hypertenseurs d’action centrale et les b-bloquants liposolubles ainsi que les antagonistes calciques peuvent entraîner des épisodes dépressifs. Les b-bloquants peuvent provoquer des cauchemars et des hallucinations visuelles nocturnes.
  • LES CONTRACEPTIFS ORAUX sont souvent incriminés dans la survenue de troubles psychiques mineurs : irritabilité, manifestations dépressives, surtout dans le cas de produits fortement dosés en progestatifs.
  • La digitaline: L’apparition de signes neuropsychiques : céphalées, troubles du sommeil, vision colorée (auréole jaune ou verte autour des objets, encore appelée dyschromatopsie) doit faire évoquer un surdosage. Des troubles de vigilance, un délire hallucinatoire peuvent être les premiers signes d’une intoxication.
  • LES ANTI-CHOLINERGIQUES peuvent entraîner des psychoses atropiniques iatrogènes : agitation incohérente, délire hallucinatoire surtout zoopsique, confusion mentale avec ataxie surtout chez le sujet parkinsonien âgé si les doses sont élevées. Le risque de tel effet secondaire existerait même avec les collyres anti-cholinergiques.

En milieu psychiatrique, l’utilisation de ces antiparkinsoniens (Lepticur, Akinéton retard…) comme correcteurs des effets extrapyramidaux des neuroleptiques peut induire des accidents toxiques qui seront méconnus car rapportés à tort à l’affection psychiatrique en cours.

Les neuroleptiques sont réputés dépressogènes à long terme. Ces tableaux dépressifs doivent être distingués de leurs effets inducteurs d’un syndrome akinéto-hypertonique et d’indifférence.

La L-Dopa peut entraîner chez le sujet parkinsonien : des bouffées anxieuses, une agitation, des troubles confusionnels et/ou délirants, un état dépressif et plus rarement une hypomanie. Ces troubles apparaissent en général après plusieurs mois de traitement et surtout chez des sujets détériorés ou présentant des antécédents psychiatriques.

Les hypoglycémiants peuvent entraîner des troubles psychiques : troubles des fonctions intellectuelles, manifestations dysphoriques. Il faut alors penser à un surdosage.

Les traitements anti-paludéens (en particulier la MÉFLOQUINE, LARIAM) : insomnie, anxiété voire dépression, épisode délirant aigu. Ces traitements peuvent favoriser l’apparition d’un épisode dépressif chez des patients traités pour une maladie maniaco-dépressive.

  • Les antituberculeux (isoniazide, éthionamide) peuvent induire des épisodes dépressifs et des épisodes confuso-délirants ou confuso-maniaques.
Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue
Expert judicaire