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LA NÉVROSE PSEUDO-PSYCHOTIQUE : NOUVELLE ENTITÉ CLINIQUE ?

Les travaux de FREUD ont abouti à une classification des troubles mentaux en névroses et psychoses.

La névrose : la personne est « entière », cohérente, juge et a conscience de ses troubles, la vie sociale reste adaptée au réel. Le MOI est structuré. La capacité de symbolisation est conservée.

La psychose : la personne est « éclatée », divisée, non cohérente, n’a plus conscience de son état, perd le contact avec le réel et a des difficultés de communication. L’individu a des difficultés à reconnaître l’existence d’un tiers (de l’autre). Le MOI est peu structuré et le sujet n’est plus capable de mentaliser.

On connaît la psychose pseudo-névrotique, où l’on retrouve des manifestations à type de trouble anxieux (trouble panique, phobique), hystérique (théâtralisme, suggestibilité) ou obsessionnel.
Ce type de psychose peut induire des erreurs diagnostiques et des impasses thérapeutiques. Ces manifestations dites pseudo-névrotiques ne doivent pas faire méconnaître les symptômes schizophréniques caractéristiques sous-jacents : flou de la pensée et du propos comme premier degré de désorganisation, croyances et convictions irrationnelles et illogiques comme premier stade du fonctionnement délirant, indifférence affective et émotionnelle comme premier palier des manifestations de repli autistique.

La distinction entre névrose et psychose peut donc être difficile.

D’autant plus que la névrose peut parfois prendre des allures de psychose. En effet, l’angoisse induite par la névrose peut être massive jusqu’à entraîner une dépersonnalisation et/ou une déréalisation, générant un état dissociatif qui peut faire croire à une maladie psychotique. En effet :

– Les symptômes de dépersonnalisation impliquent de se sentir détaché de son propre corps, de son esprit, de ses sentiments et/ou de ses sensations.

Les personnes disent parfois qu’elles se sentent irréelles ou comme un automate, sans aucun contrôle sur ce qu’elles font ou disent. Elles peuvent se sentir engourdies émotionnellement et physiquement. De telles personnes se décrivent parfois comme étant un observateur extérieur de leur propre vie ou un « zombie ».

– Les symptômes de déréalisation impliquent un sentiment de détachement de l’environnement (des personnes, objets ou tout ce qui entoure la personne), qui semble irréel.

La personne peut avoir l’impression d’être dans un rêve ou dans un brouillard, ou comme s’il y avait un mur de verre ou un voile qui la séparait de son environnement. Le monde semble sans vie, dépourvu de couleur, ou artificiel. Le monde peut apparaître déformé aux yeux d’une personne atteinte. Par exemple, les objets peuvent apparaître flous ou inhabituellement nets, ou ils peuvent sembler sans relief ou plus petits ou plus grands que ce qu’ils sont. Les sons peuvent sembler plus forts ou moins forts qu’ils le sont. Le temps paraît passer trop lentement ou trop vite.

Les personnes atteintes de dépersonnalisation/déréalisation ont souvent beaucoup de mal à décrire leurs symptômes et peuvent redouter ou croire devenir folles. Elles restent, cependant, toujours conscientes du fait que leurs expériences de détachement ne sont pas réelles mais simplement ce qu’elles ressentent. Cette conscience est ce qui distingue le trouble de dépersonnalisation/déréalisation d’un trouble psychotique. Chez les personnes atteintes d’un trouble psychotique, ce discernement de la réalité fait toujours défaut.

Toutefois, la névrose peut frôler la psychose et rendre le diagnostic difficile.

Par exemple :

– Un patient hypocondriaque ressent une crainte excessive d’avoir une maladie. Il va s’imaginer le pire. Il aura tendance à interpréter de façon erronée le moindre symptôme. On pourrait considérer cela comme un « délire » à mécanisme interprétatif et imaginatif, apparenté à un délire paranoïde. Certes, on ne retrouve pas de désorganisation psychique proprement dite et le sujet névrosé a conscience de sa production d’idées contrairement au malade psychotique. Néanmoins, on ne peut pas nier chez cet hypocondriaque la conviction délirante d’être malade qui s’apparente à la conviction psychotique et qui peut à la longue causer chez ce névrosé un trouble dissociatif.

– Un individu atteint d’un trouble obsessionnel compulsif va passer des heures par jour à se laver les mains, croyant fermement être contaminé. Là encore, il a conscience de son trouble et trouve cela complètement « délirant », insensé, illogique, mais il ne s’empêchera pas de le faire, occultant ainsi la réalité comme un psychotique.

– Même raisonnement pour les troubles phobiques. Une personne qui panique en faisant ses achats dans une grande surface, craignant ne pas trouver d’issue en cas de danger (agoraphobie). Elle va trouver cela absurde mais elle n’y peut rien, poussée par une interprétation erronée, certes consciente mais qui dépasse la logique et le réel.

Ainsi, utiliser le terme de névrose pseudo-psychotique ne paraît pas si aberrant. Toutefois, on gardera à l’esprit que les sujets atteints de cette pathologie mentale restent structurés sur un mode névrotique malgré les traits d’allure psychotiques. Comme d’ailleurs les personnes souffrant de psychose pseudo-névrotique vont conserver une structure psychotique malgré les symptômes d’apparence névrotique.

Sur le plan thérapeutique, des études ont montré, notamment pour les TOC, qu’en cas d’échec après deux ISRS correctement menés, une potentialisation du traitement par un antipsychotique atypique pouvait apporter un bénéfice non négligeable. Des études concluantes ont été effectuées avec la risperidone, l’aripiprazole et l’halopéridol. (Manuel de psychiatrie, le Guelfi, Éditions Elsevier Masson, 2021). Le mécanisme exact d’action n’est pas connu en détail, mais il laisse supposer un rôle du système dopaminergique dans la physiopathologie des TOC, étant donné que des molécules typiques et atypiques ont pu prouver un effet dans cette indication.

En conclusion, il me semble que ce concept de névrose pseudo-psychotique mérite d’être plus approfondi, illustré en particulier de cas cliniques afin de récolter une somme suffisante de connaissances médicales pour l’expliquer (origine, causes, mécanismes) et le considérer comme une entité pathologique à part entière.

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue
Expert judicaire