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L’INCONSCIENT PSYCHANALYTIQUE DANS LE JUDAÏSME

Depuis la découverte de Freud, l’être humain n’est plus défini par la pensée ni par la raison (depuis les Grecs, c’était la conception dominante en philosophie), ni même par la culture, mais par l’inconscient.

Pour Freud, la vie, la vraie vie est guidée par l’inconscient.

L’inconscient est une notion psychologique et psychanalytique qui renvoie à des phénomènes échappant à la conscience. Il s’agit d’un ensemble de désirs, de pensées, de sentiments et de souvenirs refoulés de la conscience, mais qui continuent à exercer une influence sur nos comportements et nos émotions conscients. En d’autres termes, l’inconscient est capable d’élaborer une pensée distincte de la conscience.

En psychanalyse, le ÇA désigne le domaine des pulsions inconscientes, un lieu de refoulement. Pour Freud, il s’agit principalement des désirs sexuels. Carl Jung adhère à la conception freudienne de l’inconscient personnel. Toutefois, il est persuadé que le ÇA de chaque individu ne contient pas uniquement une sexualité refoulée mais aussi son histoire collective de sa lignée, de sa culture, de la civilisation à laquelle il appartient. Jung nomme ce contenu « L’inconscient collectif ». Cette notion pour nous, juifs, prend tout son sens. Car notre inconscient collectif est constitué de la sortie de l’esclavage d’Égypte et du don de la Torah au mont Sinaï. Autrement dit, d’une spiritualité qui nous poursuit et nous accompagne en permanence, même si parfois on s’éloigne de la Torah. Un juif assimilé, éloigné de la communauté, gardera toujours dans son for intérieur une lumière spirituelle, qui ne s’éteindra jamais, sorte d’inconscient juif, qui, à l’image de l’inconscient psychanalytique, guide la vie de chaque israélite.

Le juif est, malgré lui, dirigé par l’inconscient collectif représenté par la Torah et il ne peut y échapper. C’est ce phénomène qui le pousse à un moment donné à faire Téchouva, à se repentir et revenir vers D.ieu.

La psychanalyse « juive » consiste d’abord à ne plus être tourmenté par notre inconscient personnel tel que défini par Freud. Mais, aussi retrouver notre inconscient collectif tel que le conçoit Jung. Autrement dit, travailler l’inconscient, le « ramoner », le « nettoyer » de toute immoralité, notamment sexuelle et prendre ensuite conscience de notre histoire collective. En d’autres termes, rendre conscient notre inconscient collectif, en l’occurrence le judaïsme et considérer comme si nous étions aujourd’hui même sortis d’Égypte et avions reçu la Torah au mont Sinaï.

LE MALAISE DE NOTRE ÉPOQUE C’EST L’ALIÉNATION SPIRITUELLE. L’individu est dépossédé de ce qui constitue son être essentiel, sa raison d’être, de vivre, c’est-à-dire pour le judaïsme, la spiritualité. Cependant, celle-ci n’est pas perdue mais seulement refoulée dans l’inconscient. La psychanalyse peut nous aider à la retrouver.

Le Rabbi de Loubavitch (Zal) nous apprend qu’une lettre gravée dans la pierre fait un avec elle.

On peut effacer, en la grattant, une lettre que l’on écrit sur du parchemin, en revanche, si l’on détruit une lettre gravée dans la pierre, on détruit du même coup la pierre elle-même car elle est confondue avec la lettre qui y est gravée.

Il en est de même pour un juif. La Torah est gravée en lui au point que si on lui enlève sa Torah, c’est lui-même que l’on détruit.

Un juif ne peut faire autrement que d’accomplir la Volonté de D.ieu car il est guidé, en dépit de sa résistance, par son inconscient collectif, à savoir l’inconscient spirituel constitué par la Torah révélée au mont Sinaï.

À propos de la Mitsva de la BRIT MILA (circoncision), il est écrit dans la Torah : « Et le huitième jour, on circoncira la ORLA, la chair de son excroissance. » (Lévitique 12,3)

Les Sages nous enseignent que la présence du prépuce (ORLA) exerce une très mauvaise influence sur la vie d’un homme en l’empêchant de maîtriser ses désirs sexuels. Ainsi, LA ORLA ALIMENTE LE ÇA, le siège des désirs et des pulsions refoulées, guidé par le principe du plaisir. Elle pousse l’homme à utiliser sa fonction reproductive pour son unique plaisir. L’homme est alors amené à se détourner de son véritable but qui est de procréer. En enlevant la ORLA de façon définitive, on donne la possibilité à l’homme de maîtriser ses pulsions. Quoi qu’il en soit, les sept jours pendant lesquels le nourrisson va cohabiter avec cette ORLA vont le marquer pour toujours. Son corps aura été imprégné de pulsions et de tendances qu’il va refouler dans l’inconscient, qu’il devra combattre tout le long de sa vie. D’où l’intérêt de la psychanalyse pour agir sur l’inconscience personnelle freudienne et pour nous, juifs, de l’avantage de la Torah, pour raviver l’inconscience collective spirituelle qui prend son origine au mont Sinaï, dont l’étude aide également à maîtriser les pulsions et les émotions.

C’est la raison pour laquelle, la Michna nous enseigne : Rabbi Yéochoua ben Lévi dit : « Chaque jour, une voix céleste issue du mont ‘Horev (le Sinaï) clame : « Malheur aux créatures qui font affront à la Torah ! » Car quiconque ne se consacre pas à l’étude de la Torah est appelé « blâmé »,… car il n’est d’homme libre que celui qui se consacre à l’étude de la Torah. » (Maximes des Pères 6,2)

Cette voix du mont Sinaï évoquée par Rabbi Yéochoua ben Lévi alimente l’inconscience spirituelle juive, guidant le peuple juif à chaque instant quand bien même elle serait refoulée, lui permettant d’accéder à une entière liberté de conscience.

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue
Expert judicaire