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LA CONFIANCE EN SOI DANS LE JUDAÏSME

On confond souvent CHOISIR ET DÉCIDER. Les deux termes, il est vrai, sont parfois utilisés comme synonymes. Ils obéissent pourtant à deux logiques différentes.

CHOISIR, c’est choisir en se basant sur des critères logiques et rationnels. On réfléchit, on calcule et on agit en conséquence. On ne prend aucun risque car tout est calculé.

DÉCIDER, c’est trouver le courage de s’engager malgré l’incertitude. Toute décision est par définition risquée. Nous manquons d’arguments donc il faut prendre sur soi. Un tel engagement n’est pas facile. Il faut être prêt à assumer les conséquences imprévisibles de notre décision.

DÉCIDER, c’est pallier le manque d’arguments par la capacité à s’écouter. C’est une question de confiance en soi.

Ainsi, comme l’écrit Charles Pépin dans son livre La confiance en soi, une philosophie : « CHOISIR, c’est savoir avant d’agir. DÉCIDER, c’est agir avant de savoir ». L’auteur poursuit : « Nous sommes donc plus libres lorsque nous décidons que lorsque nous choisissons, parce que nous ne sommes pas tenus d’obéir à des critères indiscutables. Mais, cette liberté, souvent, nous perturbe ».

Je dirais même plus, elle nous effraie !

La question de la décision se pose lorsque nous avons épuisé les ressources de notre raison. On ne trouve plus d’arguments, on se doit alors de « trancher » (décision vient du latin decidere qui veut dire « couper, trancher »). Alors, on doit accepter l’incertitude et se lancer. Cela exige un changement intérieur, une métamorphose qui fait appel à la confiance en soi. Notre intelligence et nos capacités de réflexion et de raisonnement ne sont plus suffisantes pour avancer. Alors, malgré la peur, il faut se décider.

C’est en cela que nous avons besoin de la ÉMOUNA, la foi en D.ieu. Une « sagesse » qui ne fait pas appel à l’intelligence, qui est au-delà de la raison, au-delà du choix rationnel. J’ai confiance en mes décisions car j’ai confiance en moi, en mon sentiment, en mon jugement, poussé par une confiance plus profonde, plus secrète, la confiance en D.ieu, la ÉMOUNA.

On ne choisit pas de croire en D.ieu. Comme l’affirme Pascal : « D.ieu ne se prouve pas, il s’éprouve ».  La croyance en D.ieu n’est pas basée sur la raison. Nous n’avons aucune « raison » de croire en D.ieu. Ça ne relève pas d’un choix, mais d’une décision. Nous sommes libres de croire ou pas en l’existence de D.ieu. Si l’existence de D.ieu était démontrée par un raisonnement scientifique, alors il n’y aurait plus à y croire : son existence relèverait d’un savoir. Mais si rien ne prouve son existence, si nous ne pouvons nous reposer sur aucun argument objectif, alors nous ne pouvons nous fier qu’à nous-mêmes pour y croire.

La foi, la ÉMOUNA relève donc d’une décision et non d’un choix. Elle n’appartient pas à l’intellect mais à l’intelligence du cœur. Affranchie de tout raisonnement, la ÉMOUNA est une façon d’être libre.

Finalement, la foi en HACHEM c’est d’abord une foi en soi-même. Car plus la décision est éloignée d’un choix rationnel et plus elle nous demande que nous sachions nous faire confiance en acceptant l’incertitude. Et la confiance en soi est en même temps pour le croyant une foi en D.ieu.

Décider sans crainte grâce à la ÉMOUNA est en même temps une confiance en la vie. On appréhende souvent l’erreur et cela nous fait peur. Mais, en cas d’erreur dans nos décisions, on peut toujours rectifier le tir. « L’erreur est humaine », dit le proverbe.

La logique de la maîtrise, du choix, du raisonnement ne doit pas impacter notre capacité à décider. On ne doit pas attendre d’avoir éradiqué tous les doutes pour se décider. La liberté, c’est d’avancer dans le doute. Pour le judaïsme cela est possible, par la voie de la ÉMOUNA, la confiance en D.ieu. Cette dernière dynamise la confiance en soi et en même temps la confiance en la vie.

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue
Expert judicaire