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LA TORAH : REMEDE POUR SOIGNER LA DOULEUR SPIRITUELLE

Le mois de ELOUL, dernier mois de l’année juive est le mois de l’introspection et de la remise en question des actes effectués pendant l’année. On fait « les comptes » avec D.ieu avant d’entamer Roch Hachana. Ce moment de repentir trouve son apogée le jour de Kippour. Il implique d’avoir une capacité d’autocritique afin d’analyser objectivement toutes nos actions vis-à-vis de D.ieu et du prochain.

Cependant, comme l’affirment nos sages, la TÉCHOUVA (processus de repentance dans le judaïsme) c’est toute l’année, à n’importe quel moment, il suffit d’y penser pour la décider et l’entamer : « Le repentir ne dépend ni du lieu, ni du temps, ni des circonstances, ni des conditions extérieures, de la pression de peuples étrangers ou de cultures étrangères, mais uniquement de la libre volonté de l’homme, qui peut faire pénitence du fond de son cœur par la volonté de sa personne, qui aspire à retourner vers sa source divine, même des profondeurs du péché, même si elle s’est éloignée de D.ieu et de Sa loi…» (Rav Elie Munk, Kol Hatora).

Lorsque Rabbi Eliezer enseigna « Fait TÉCHOUVA un jour avant ta mort »(Avot, 2, 10), ses élèves le questionnèrent : « L’homme peut-il savoir le jour de sa mort ? » Ce à quoi le Rabbi répondit : « Qu’il se repente aujourd’hui de peur qu’il ne meure demain. L’homme fera ainsi TÉCHOUVA tous les jours de sa vie. »  (Chabbat,153 A)
Quand arrive le temps de la TÉCHOUVA, du repentir, on peut être amené à se décourager. Rappelons que la Torah est composée de 613 Mitsvot ! Certes, certaines ne sont plus praticables, il n’en demeure pas moins que nous, juifs, restons soumis aux commandements dès la naissance, de façon irréversible, pour l’éternité. Ce à quoi la Torah répond : « Car cette loi (du repentir) que je te prescris aujourd’hui n’est pas trop élevée pour toi ni trop lointaine. Elle n’est pas au ciel… Et elle n’est pas au-delà des mers… Elle est au contraire très proche de toi : dans ta bouche et dans ton cœur, pour être accomplie. » (Dévarim,30,11 à 14).

TÉCHOUVA se traduit également par RETOUR : il s’agit de retourner vers Hachem, la source de la création.
Faire TÉCHOUVA c’est comme décider de faire un régime alimentaire ou d’arrêter de fumer. C’est tout un programme : on doit tenir compte de nos besoins en écoutant notre corps tant sur le plan physique, émotionnel et mental. Tenir compte aussi du contexte affectif et sociofamilial. Les traumatismes de l’enfance, l’histoire de vie, l’éducation que nous avons reçue… Tout cela interfère dans le processus de TÉCHOUVA.

Aborder la TÉCHOUVA, c’est d’abord accepter qu’il n’y a pas d’erreurs dans la vie, mais uniquement des expériences qui nous aident à développer notre discernement. Donc, ne pas ressasser les erreurs du passé en permanence. Essayer plutôt de lâcher prise et écouter nos besoins à l’instant «T». C’est une notion essentielle pour qui souhaite une véritable transformation de son être à tous les niveaux.
Se sentir coupable se révèle dommageable, car cela nous décourage. On finit par perdre l’estime de soi et on n’avance pas.

Deux raisons expliquent cette culpabilité :
La première c’est de croire qu’en se sentant coupable, on ne recommencera pas.
La seconde c’est d’être persuadé qu’en n’éprouvant pas de culpabilité, on est mauvais ou indifférent.
En d’autres termes, on ressent de la culpabilité pour se donner bonne conscience.
Il y a pourtant une autre façon d’aborder la culpabilité. Paradoxalement, celle-ci n’est pas si péjorative. Si on l’accueille avec joie, au lieu de s’en vouloir, on arrive à positiver. Dans cet esprit, le fait de la ressentir est finalement une bonne chose.

On craint la culpabilité, car elle engendre des peurs notamment celle de ne pas être à la hauteur, celle du regard et du jugement des autres.
Or, la TÉCHOUVA, c’est d’abord assumer les conséquences de ses choix et décisions sans tenir compte de l’opinion de l’autre. S’accepter tel que l’on est, reconnaître ses limites. Puis, revenir progressivement vers HACHEM en se donnant le droit de prendre le temps du changement.
On se dira : « Je suis pour le moment ce que je suis, c’est ce que je ne veux pas être, mais je veux prendre le temps de devenir ce que je veux être ».
Ne nous laissons pas guider par notre égocentrisme qui nous pousse à être ce que nous ne pouvons pas être pour le moment.
On se donne le droit de ne pas encore être arrivé à ce que nous voulons être.
Moins on accepte et moins le changement s’opérera.
Plus on accepte et plus il y a du changement.

On n’arrête jamais de faire TÉCHOUVA. Rabbi Na’hman nous enseigne d’ailleurs que l’on doit faire TÉCHOUVA à l’égard du repentir précédent qui n’était pas aussi sincère que celui réalisé maintenant (Likouté Etsot).
On peut aussi rechuter après une TÉCHOUVA et retomber très bas spirituellement. Il faut alors persévérer en se persuadant qu’il n’y a pas d’échec, mais uniquement des succès différés. En effet, D.ieu ne nous abandonnera jamais : « Il ne te délaissera pas et ne t’abandonnera pas… » (Devarim,31,6). Nous ne pourrons jamais faire taire complètement cette voix intérieure qui nous exhorte à nous défaire de notre engouement pour les activités superficielles et à assumer une judéité responsable, écrit le Rabbi Mena’hem Schneerson dans son livre : Sagesse au quotidien. Et Rabbi Na’hman de compléter : « Il est impossible de parvenir au service de D.ieu si ce n’est en commençant de nouveau à chaque fois ; et parfois, plusieurs départs sont nécessaires même dans une seule journée. » (Likouté Etsot) Ce qui veut dire qu’on peut être amené à faire TÉCHOUVA et retomber, et ce plusieurs fois par jour ! Mais il ne faut pas se décourager.

Il est difficile d’atteindre un niveau de repentir authentique. La vraie TÉCHOUVA c’est lorsqu’on parvient à ressentir la douleur due à ses fautes et ce niveau spirituel n’est pas donné à tout le monde. Quoi qu’il en soit, si l’on n’y arrive pas, le fait d’être dans une dynamique de TÉCHOUVA est déjà énorme. Ce qui importe c’est d’avancer, lentement mais sûrement.

La lecture des TEHILIM contribue beaucoup au repentir, affirme Rabbi Na’Hman. Les Psaumes de David activent l’élan au repentir et brisent les obstacles dans ce domaine, car chacun, selon ce qu’il est, peut se retrouver à l’intérieur de la lecture des Psaumes.
Mais, la TÉCHOUVA ne peut se concevoir sans l’étude de la Torah : « Le repentir dépend surtout de la Torah ! » enseigne Rabbi Na’hman dans likouté Etsot.
Et le Rabbi de Loubavitch d’ajouter : « Les mots de la Torah imprègnent chaque aspect de notre personnalité. » (Hayom yom), autrement dit, c’est l’étude de la Torah qui va procéder à une transformation de notre être. D’ailleurs, chaque mot de la Torah équivaut à accomplir les 613 Mitsvot ! (Péa 1a par le Gaon de Vilna).

Se lever tous les matins pendant le mois de ELLOUL pour réciter les Seli’hot et lire des TEHILIM est évidemment un bon minhag. On exprime à D.ieu notre désarroi, nos faiblesses, notre fragilité et le regret de nos conduites déviantes. Mais ça ne s’arrête pas là. Il ne suffit pas d’exprimer notre souffrance spirituelle, il faut aussi apporter le Remède, le médicament qui guérit.
En effet, quand on exprime ses souffrances à un médecin cela aboutit en général à un diagnostic assorti d’une prescription médicamenteuse.
Or, les Sages, les ‘Hakhamim, affirment : « L’être humain ne faute que du fait qu’il est envahi d’un vent de folie. » (Sota 3A)
C’est-à-dire, selon les Sages du Talmud, la transgression ne résulte jamais d’un acte libre et rationnel. Pour que la faute se réalise, il faut nécessairement invoquer un moment de déraison.
Nous retrouvons cet enseignement dans la philosophie de Platon sous une forme un peu différente : « Nul ne fait le mal de son plein gré « .
Vu sous cet angle, la faute est donc la résultante d’un esprit de folie qui altère, voire abolit, le discernement. Cela c’est le diagnostic. D’où la faiblesse et la fragilité qui en découlent.
Quant au remède, c’est la TORAH, appelée SAM ´HAIM (Élixir de vie) comme il est dit « elle (la Tora) est un arbre de vie pour ceux qui la maîtrisent » (Proverbes 3,18).
Par conséquent, il ne suffit pas de verbaliser la douleur spirituelle et les regrets en récitant les seli’hot et les Téhilim, il faut aussi prendre le médicament (la Torah) pour l’apaiser voire la guérir.
Ainsi, faire TÉCHOUVA, c’est d’abord pratiquer une mise à plat de notre situation spirituelle (introspection) puis faire un diagnostic étiologique (ici c’est l’esprit de folie) et enfin se soigner par le remède universel, la Torah, pour panser les blessures morales.

ANI LEDODI VEDODI LI : je suis à mon bien-aimé et mon bien-aimé est à moi. Les initiales de ce verset tirées de Chir Hachirim forment le mot ELOUL, mois de la TÉCHOUVA.
Je suis à mon bien-aimé (Hachem), en lui exprimant ma détresse et mon bien-aimé est à moi, en m’apportant le remède : la Torah pour me guérir.
En résumé : La TÉCHOUVA est un retour vers D.ieu, la source de toute la création. Elle est permanente. On ne finit jamais de faire TÉCHOUVA. Pour oser se repentir, on doit mettre de côté notre culpabilité. La TÉCHOUVA est un processus lent. Il faut procéder à son rythme. On exprime à haute voix son désarroi, en contrepartie, Hachem nous envoie le remède, sa Torah.
Chaque mot de la Torah transforme notre personnalité.
La Torah est indispensable pour effectuer une TÉCHOUVA authentique.

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue