LES MOTS QUI GUÉRISSENT

Noé a échappé au Déluge en se réfugiant dans l’Arche (Béréchit, 7,7). Le Déluge, Maboul en hébreu, symbolise l’état de confusion de l’Humanité, la décadence. L’Arche, Téva, veut aussi dire UN MOT.

Pour échapper à l’égarement du monde, de la société, il faut faire comme Noé, rentrer dans l’Arche, à savoir rentrer dans les mots. Les mots de la Torah et de la Tefilah sont un refuge pour l’homme.

Les mots en général sont libérateurs. Le principe de la psychothérapie est de guérir les maux par les mots.
Écrire des mots est aussi une autre façon de se protéger. « Acquiers pour toi un ami… » dit Yehochoua ben Pera’hia dans les Pirké Avot (Maximes des Pères, I,6). L’auteur emploie en hébreu le mot KENÉ pour exprimer l’acquisition d’un ami. KENÉ signifie aussi la plume en français. On peut ainsi lire la sentence autrement : « Que ta plume soit ton ami ! » Ceci, pour nous apprendre que le fait d’écrire ce que l’on ressent aide grandement à clarifier la situation.

Rabbi Nathan, élève de Rabbi Na’hman, conseilla à son fils dans une de ses lettres (Alim Latroufa) de se former à l’art de l’écriture. Je cite : « Fais donc des efforts pour t’habituer à avoir une belle écriture et un style clair, car savoir écrire et rédiger constitue un grand fondement pour la Torah, le service divin et les activités terrestres ». Rabbi Nathan a été le scribe de Rabbi Na’hman, comme Platon l’a été pour Socrate. Il a pris sur lui la responsabilité d’écrire sans trahir les enseignements de son Maître. Comme il le dit lui-même, il a eu recours à LA PLUME afin de faire profiter l’ensemble du peuple juif des enseignements de Rabbi Na’hman, à l’image du roi David qui s’exclame dans les Psaumes : « …ma langue est claire et lucide comme la plume d’un scribe expert ». (Téhilim 45,2)

L’HITBODEDOUT, le fait de s’isoler pour dialoguer avec D.ieu est aussi une autre manière de se réfugier. Ouvrir son cœur à HACHEM est une vraie preuve d’ÉMOUNA.
L’HITBODEDOUT consiste à parler avec D.ieu dans sa langue maternelle, avec ses propres mots et non pas avec ceux empruntés aux Psaumes ou aux textes de la prière. C’est une prière personnelle qui renvoie à notre Moi intérieur.

Le MOT dans notre société est donc l’équivalent de l’ARCHE de Noé dans sa génération. Les mots apportent la guérison. Mais, il y a des situations où il faut savoir se taire : « La parole est d’argent, mais le silence est d’or ». Ce proverbe trouve son origine dans les Pirké Avot (I,17) : « Chimon fils de Rabban Gamliel disait : J’ai appris qu’il n’y a rien de meilleur que le silence ».
Dans certaines circonstances, il faut apprendre à se retenir de parler. Par exemple, éviter le LACHONE ARA, les propos médisants ou les mots blessants.

La génération de Noé était coupable à plus d’un titre. Débauche sexuelle, idolâtrie, meurtre, injustice. Toutefois ce qui a été déterminant, c’est le trop-plein de violence (Béréchit, 6,13). La violence dans toutes ses formes. Aucun crime d’ordre rituel ou religieux n’est à l’origine du Déluge. C’est la violence qui a généré la confusion et la décadence.

À notre époque, on assiste à une violence de plus en plus banalisée. Et notamment, la violence verbale. Insultes, humiliations, menaces, autant de mots mal employés ! Cette violence verbale est difficile à identifier car trop souvent minimisée. Pourtant, le poids des mots n’est pas négligeable. Les mots peuvent faire plus mal que les coups. Car, les blessures liées aux paroles toxiques s’inscrivent durablement dans la mémoire cellulaire, provoquant chez la victime : doute, angoisse, culpabilité, impuissance et perte de l’estime de soi. Les mots font du bien lorsqu’ils sont constructifs mais paradoxalement peuvent détruire une vie s’ils sont mal utilisés.