PSYCHO-TORAH : L’ÉCHEC EST LE DÉBUT DU SUCCÈS
Nous prenons régulièrement des résolutions que nous ne tenons pas toujours. Dès la première difficulté, on se décourage. La mise en échec nous éloigne en général de nos objectifs premiers.
Il en vaut pour n’importe quelle résolution et en particulier quand on décide de revenir à la pratique du judaïsme.
En médecine, dans le domaine des addictions par exemple, quand une personne décide le sevrage d’un toxique, les rechutes sont fréquentes. L’addictologue reste alors dans l’empathie et évite tout jugement négatif. Il n’emploie jamais le mot échec mais parle plutôt d’un succès différé.
Le roi David écrit dans les Psaumes : «l’E-ternel soutient tous ceux qui chutent …». La pire des chutes, commente Rabbi Na’hman consiste à croire que l’homme est seul devant sa défaite. En réalité, il n’en est rien. D.ieu est toujours à ses côtés, prêt à l’aider.
La fête de Pourim que nous apprêtons à célébrer nous le rappelle chaque année.
En effet , le livre d’Esther, la Méguila, raconte ,on le sait, le combat d’Esther et de Mordékhaï contre Haman, équivalent d’Hitler, dont la seule volonté était l’extermination des juifs de Perse. Or, à l’opposé des autres livres du canon biblique, le Nom de D.ieu n’est pas mentionné. Cette histoire de Pourim, qui s’étend sur neuf longues années, semble donc se révéler finalement comme une succession de coïncidences.
Cependant, les commentateurs nous enseignent que tous les incidents racontés dans le livre d’Esther, ne sont pas le fruit du hasard, mais bien l’œuvre de la Présence Divine qui se dissimule tout au long du récit. Le Nom de D.ieu n’apparaît pas. Néanmoins, Il est présent dans toute l’histoire de Pourim, y compris au moment où le peuple juif se trouve en difficultés, au plus bas de l’échelle.
« Toutes ces chutes sont obligatoires avant d’atteindre le but recherché… », écrit Rabbi Nathan dans Likouté Etsot avant de poursuivre : «L’essentiel est de se renforcer dans la joie par toutes sortes de conseils, car la tristesse est nuisible…On doit tenter de toutes ses forces de s’éloigner et de chasser la tristesse et l’humeur morose … ». La chute ne doit donc pas générer de la tristesse !
Rabbi Nathan parle ici du lien que nous entretenons avec D.ieu. Néanmoins, tous les conseils qu’il prodigue peuvent s’appliquer à tous les domaines de la vie. Rabbi Nathan va encore plus loin dans son analyse de la chute : « Même dans la chute la plus profonde, le fait de se renforcer avec ce qu’il nous reste comme force, on a toujours espoir de revenir vers D.ieu et prendre conscience qu’Il est à nos côtés. La Torah interdit à l’homme de désespérer. Tel un thérapeute, elle régénère et réconforte les âmes perdues et en souffrance. »
«Si tu crois qu’on peut endommager, crois qu’on peut aussi réparer » conclu Rabbi Nathan.
Lorsqu’on veut atteindre un but précis, chaque mouvement accompli, même le plus simple est précieux.
Ce qui compte, c’est faire preuve d’obstination. L’échec est le début du succès, car il est un passage obligé.
En effet, lorsqu’on décide d’un projet, le parcours entrepris n’est jamais linéaire. On doit obligatoirement passer par des ascensions et des descentes sans nombre et par combien de sortes de chutes et de rejets et pour tout cela, il faut faire preuve d’une grande persévérance sans limite. L’individu doit de nombreuses fois, se renforcer et s’agripper lui-même uniquement en suivant une attitude d’obstination et d’entêtement.
L’éloignement (l’échec) est le début du rapprochement (réussite du projet). Le parcours est parfois semé d’obstacles, de souffrances, d’empêchements et on a l’impression que tout est fait pour nous en écarter. En réalité, il s’agit d’une épreuve. La Torah nous enseigne que tout ce qu’une personne traverse dans la vie ne vise que son bien, afin qu’il se renforce à se rapprocher davantage du but fixé car l’éloignement est uniquement en faveur du rapprochement.
Et le conseil pour le renforcement, c’est la parole, nous dit Rabbi Nathan. Communiquer avec soi-même, se persuader que tout est pour le bien, puis converser avec son ami, son Maître (Rav en hébreu) et enfin avec D.ieu. La parole a un immense pouvoir de persuasion. La parole c’est le verbe et le verbe est créateur. Le verbe est créateur de la réalité. Et la réalité c’est de croire que malgré les échecs de la vie , on est capable d’aller très loin et ce même si l’on chute très bas.
« Les personnages bibliques ne sont pas irréprochables, et mêmes les plus grandes figures révèlent leurs failles », écrit le Rabbin Philippe Haddad dans son fameux ouvrage LA TORAH EXPLIQUÉE (Éditions Eyrolles). Il fait remarquer avec justesse que la Torah évoque toujours les égarements d’Israël, ses manquements, ses chutes plutôt que ses élévations. Rien n’est caché, rien n’est gommé, rien n’est passé sous silence, ni le veau d’or, ni la concupiscence de David, ni la fuite de Jonas. Car, on ne censure pas la nature humaine, dit-il .On la montre à nu et on invite à l’améliorer de l’intérieur. Pour le Rabbin Philippe Haddad, on ne doit pas occulter ses décadences puisque la Torah elle même les met en avant. Il invite plutôt à en tirer leçons pour mieux repartir.
Les échecs, les chutes, ne remettent jamais en question l’acquis du passé. Ce qui est acquis, l’est de manière définitive. « On monte toujours en sainteté, on ne descend pas » dit le Talmud ( BABLI HORAYOT 12a.). Rien ne régresse avec le temps. L’homme ne peut que grandir.
La chute n’est donc finalement qu’une absence à soi-même, une fuite vers un ailleurs provisoire, pour quelque part mieux se connaître, mieux rebondir, le savoir… Et en avoir conscience est la voie du succès.
Psychiatre – addictologue