
Lekh Lekha : “Va vers toi” – Lecture biblique et anthropologique
Le commandement divin adressé à Avraham, « Lekh Lekha » (Genèse 12,1), est classiquement traduit par « Va pour toi » ou « Va vers la terre que Je te montrerai ». Cependant, l’analyse linguistique du texte hébraïque permet une autre compréhension : « Va vers toi ». Cet article propose une lecture exégétique et existentielle de cette injonction, qui invite à considérer ce récit fondateur non seulement comme un départ géographique, mais comme une exploration intérieure de l’identité.
Avraham est appelé à quitter son pays (méartsekha), son lieu de naissance (mimoladetekha) et la maison de son père (mibêt avikha) pour aller vers une terre encore inconnue (Gn 12,1). Le texte souligne un triple arrachement : culturel, social et affectif. La foi se déploie ici non dans la certitude, mais dans l’ouverture au risque et à l’inconnu.
L’expression « Lekh Lekha » est unique dans la Torah.
- Rachi (1040-1105) commente : « pour ton bien et pour ton profit : là-bas Je ferai de toi une grande nation »[1].
- Le Midrash Rabbah affirme : « Va vers ta nature véritable, vers ta destinée »[2].
- Le Zohar (I, 78b) lit : « Vers toi, vers ta racine, pour te connaître toi-même »[3].
Ces lectures montrent que le commandement divin ne se limite pas à une migration géographique : il engage une démarche intérieure, un retour vers l’essence de soi.
Lekh Lekha signifie que la véritable rencontre avec Dieu passe par une rencontre avec soi-même. Avraham est invité à se détacher des conditionnements hérités pour découvrir son identité profonde, orientée par l’Alliance. La foi se présente comme un processus dynamique de transformation, où l’homme avance vers une vocation singulière révélée dans son dialogue avec la transcendance.
Aujourd’hui encore, l’appel biblique « Lekh Lekha » garde une valeur universelle :
- il invite à rompre avec les dépendances extérieures qui étouffent l’intériorité (pressions sociales, culturelles, matérielles) ;
- il incite à développer une conscience réflexive ;
- il engage à assumer une vocation singulière, inscrite dans la responsabilité et la fidélité spirituelle.
Dans une société marquée par le conformisme et l’accélération des sollicitations, le récit d’Avraham rappelle que la fidélité à Dieu exige un cheminement intérieur : aller vers soi, c’est ouvrir un espace pour la transcendance.
Le commandement « Lekh Lekha » apparaît comme un paradigme anthropologique et spirituel : le voyage extérieur n’a de sens que s’il correspond à un voyage intérieur. Avraham devient l’archétype de l’homme qui, en répondant à l’appel divin, découvre son identité et accomplit son destin. Ainsi, aller vers Dieu, c’est simultanément aller vers soi-même.
Notes
[1] Rachi sur Genèse 12,1 : « Lech lekha : pour ton bénéfice et ton bien. Là-bas Je te ferai devenir un grand peuple. »
[2] Bereshit Rabbah 39:9.
[3] Zohar I, 78b.enon.” Dialogues Clin Neurosci. 2010;12(2):217–225.
Hook JN, Reid RC, Penberthy JK, Davis DE, et al. “Evaluating the effectiveness of integrated group therapy for sexual addiction.” Psychother Res. 2014;24(4):387–398.
Docteur Gilles Uzzan
Psychiatre – Addictologue
