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LA CELLULE FAMILIALE, SOCLE DE LA SOCIÉTÉ ET DU JUDAÏSME

Le rôle de la Cellule familiale dans le judaïsme et la société en général est, vous n’en doutez pas, primordial.

Rappelons tout d’abord la définition de la famille : la famille est une société naturelle, qui possède des droits propres et inaliénables. Elle existe avant l’État ou n’importe quelle autre communauté. Pour ce motif, elle constitue la cellule de base de la société et elle est la pierre angulaire du développement social.

Par conséquent, les distorsions familiales sont à même de provoquer des dysfonctionnements sociaux.

Les enfants ont besoin d’une famille pour les aider à grandir et à développer leurs talents. Cellule de base de la société, la famille est aussi le lieu où se forme le futur citoyen, où il apprend le sens des responsabilités, le respect des personnes, quelles qu’elles soient. Par extension, c’est aussi au sein de la famille que les enfants juifs apprennent les valeurs du judaïsme en prenant exemple sur leurs parents et leurs grands-parents et devenir à leur tour des membres dignes de la communauté.

La cellule familiale est en principe un lieu de protection et d’accompagnement de ses membres en situation de vulnérabilité. Mais, elle peut se révéler parfois le terreau de ces mêmes vulnérabilités. Le défi est alors de parvenir à identifier ces situations vulnérables et d’y remédier. Pour le bien de la société civile et de la communauté religieuse, la famille doit être préservée à n’importe quel prix, sous peine de la voir se désintégrer et se disperser.

Lorsque HACHEM a voulu détruire le peuple juif (famille descendante de Yaakov) à cause de la fabrication du veau d’or, Moché Rabbénou, Moïse notre Maître, s’est levé pour le défendre. Après avoir brisé les Tables de la Loi, il est remonté sur la montagne du Sinaï pour implorer le pardon afin que la cellule familiale juive ne soit pas détruite : « L’E-ternel dit à Moché… Maintenant, laisse-moi ! Que ma colère s’enflamme contre eux et que je les anéantisse ! Je ferai de toi un grand peuple. » Sous-entendu, tu resteras le seul représentant de la famille de Jacob et tu reconstruiras ta vie en fondant une nouvelle famille. Moché n’est pas d’accord et Lui répond : « Reviens de ta colère et renonce à faire mal à ton peuple ! » et Rachi de commenter : « Renonce au mal que tu as pensé leur faire et réfléchis à une autre idée pour leur faire du bien. En l’occurrence, Moché ne se contente pas de demander à D.ieu de ne pas faire du mal au peuple juif, mais aussi de rechercher comment lui faire du bien pour qu’il se repentisse de son mauvais comportement. »

Il ajoute : « Maintenant, puisses-tu pardonner leur faute ! Sinon, efface-moi de Ton livre que tu as écrit ! Moché a tellement d’amour pour sa famille qu’il était prêt à sacrifier sa vie pour elle ! » (Torah Témima)

L’exemple de Moché constitue une leçon pour nous tous, chefs de famille, responsables de notre cellule familiale. Nous devons être disposés et désireux de tout abdiquer : nos ressources, notre réputation, jusqu’à notre vie afin d’assurer l’unité familiale. Rôle que le BAAL HABAÏT (le père) doit assumer en partenariat avec la AKÉRÉTE HABAÏT (la mère). Cela est valable pour des enfants issus des mêmes parents biologiques ou ceux issus d’une famille recomposée. Quand un homme ou une femme se remarie avec une personne qui a déjà des enfants, il ou elle devient responsable des enfants du conjoint. Il n’y a pas de différence, car ils deviennent tous membres, malgré eux, de la même cellule familiale.

La solidité du socle familial assure la transmission des valeurs. Pour cette raison, on doit se battre pour qu’aucun membre ne manque à l’appel.

Avant sa mort, YAAKOV AVINOU (Jacob notre père à tous) a rassemblé tous ses enfants : « Réunissez- vous et écoutez, fils de Jacob !.. » (Bérechit,49,2). Au verset précédent, il les exhorte : « Rassemblez-vous ! ». Rav Elie Munk rapporte dans son commentaire Kol Hatora : « Pour notre patriarche Jacob, l’union de ses fils, l’indéfectible solidarité des familles d’Israël sont les premières conditions pour la réalisation de la bénédiction qu’il s’apprête à prononcer. Le passé (la vente de Joseph qui équivaut à l’exclure de la maison) lui a enseigné quel mal peut être provoqué par la désunion, la haine et la jalousie. En songeant à l’avenir, où il ne serait plus là pour former le point de ralliement de la famille, Jacob trouve urgent pour la constitution de la future nation juive d’assurer l’union fraternelle défiant toute épreuve. Il voulait qu’Israël forme un faisceau indissoluble pour devenir inattaquable, pour que la furie des ennemis se heurte à une volonté unie, à un esprit de fraternité inébranlable.

Pour permettre à chaque enfant de puiser de façon continue dans l’héritage spirituel familial, l’union et la présence de chacun sont inéluctables. Union d’abord et ensuite : écoutez Israël votre père. Yaakov a tenu à réunir tous ses enfants y compris ceux qui s’étaient mal conduits (Réouven qui s’est mêlé de la couche de son père, Chimone et Lévy les téméraires qui ont tué les habitants de la ville de Chekhem, Yéhouda qui a vendu son frère Yossef).

Il arrive parfois que les enfants s’écartent du chemin, de la morale, et ne suivent plus les traditions et pratiques du judaïsme. Ils rejettent même toute civilité. Certains manquent de respect à leurs parents et dépassent les limites. On ne doit pas pour autant les rejeter. À l’image de Moché Rabbeinou, on doit s’efforcer de passer outre, chercher des circonstances atténuantes, pour garder nos enfants à la maison.

Il faut en effet garder à l’esprit que nous ne sommes pas tous identiques les uns aux autres au sein d’une même famille, y compris, à éducation égale. Yaakov et Essav, par exemple, ont vécu dans la même famille, avec pour parents de grands Tsadikim, Isaac et Rivka. Malgré tout, chacun a pris un chemin différent : Yaakov celui de la Torah et Essav celui de la débauche. Pourtant, Isaac n’a jamais rejeté Essav. Il s’est toujours arrangé afin qu’il reste à ses côtés, à la maison, en s’intéressant à lui et à son activité de chasseur, qui n’avait rien à voir avec la Torah.

« Au début, D.ieu créa le ciel et la terre…»

Au début, BÉRÉCHIT, en hébreu, mêmes lettres que ROCH BAIT.

Dès le début de la création du monde, HACHEM nous prévient : ce monde, cette société que Je crée, ne tiendra qu’à une condition : mettre en avant BAÏT, la maison. Tant que la cellule familiale est intacte, la société est solide. Et comment cela peut se produire ? Le mot BAÏT contient le remède car c’est les initiales de BANIM ÏKHYOU TAMID, les enfants vivront toujours (sous-entendu au sein de la famille), à n’importe quelle condition. Ils ne seront jamais rejetés.

Cela évidemment n’exclut pas les remontrances, le recadrage éducatif. Mais ces derniers doivent être constructifs, dans le but de réparer des failles qui peuvent mettre en danger la cellule familiale et par conséquent la société.

À propos de Moché, il est écrit :

« L’E-ternel me dit : lève-toi, va conduit le peuple…» : bien que vous vous soyez écartés de Lui et que vous ayez fauté par le veau d’or, Il m’a demandé de vous conduire à destination (en Terre Sainte) (Rachi). Et de poursuivre : « Et maintenant, ô Israël : bien que vous ayez fait tout cela, sa miséricorde et son affection vous sont acquises…» (Rachi)

L’amour pour nos enfants (ou ceux hérités de notre conjoint) doit être inconditionnel et éternel.

Quand je vais visiter des détenus pour effectuer leur expertise psychiatrique, je suis surpris par le comportement de ces parents qui viennent rendre visite à leurs enfants, condamnés pour les crimes les plus odieux. L’affection qu’ils ont encore pour eux montre que l’amour parental ne s’éteint jamais complètement, et ce malgré des conduites pathologiques qui dans notre exemple sont très graves, de type psychopathique.

Rejeter nos enfants du domicile parental sous prétexte d’un mauvais comportement ne fait pas partie des valeurs juives. Il ne faut pas oublier que la conduite de nos enfants est aussi la résultante de notre éducation.

Les enfants ont besoin de nous mais nous avons aussi besoin d’eux.

En effet, le Rabbi de Loubavitch nous enseigne qu’il arrive que les enfants surpassent leurs parents dans nombre de domaines. Ils semblent manifester des aptitudes que les parents ne semblent pas posséder. Cela s’explique, dit le Rabbi, que ces talents sont en fait à l’état latent chez les parents et ne sont devenus manifestes que chez les enfants.

Aussi, sauvegarder la cellule familiale c’est nous permettre d’accomplir sur cette Terre, par l’intermédiaire de nos enfants, notre potentiel spirituel, enfoui dans le fin fond de notre âme.

C’est la raison pour laquelle la destruction du Temple de Jérusalem est pour nous, Juifs, une catastrophe nationale.

HACHEM, pour nous punir, a détruit notre maison, ce qui a généré la dispersion du peuple juif, de la famille, avec les conséquences que nous connaissons pour notre peuple.

La reconstruction du TEMPLE permettra à tous de revenir « à la maison » et de reconstruire une société juive basée sur Torah et Mitsvot.

 

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue