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Bernard Herrmann, par Frédéric Hutman

Si j’évoque une scène de meurtre dans une douche, vous penserez inévitablement à Psychose, d’Alfred Hitchcock.

Vous penserez tout aussi inévitablement à des accords stridents et aigus de cordes qui s’enchainent, ajoutant une angoisse supplémentaire à ce qu’on voit sur l’écran.

Cette musique a été composée par un grand musicien, Bernard Herrmann, né aux Etats Unis en 1911, dont les deux parents étaient des juifs russes.

Ils avaient quitté leur village originel, Khmelnitski, à la suite de pogroms, à la fin du XIXème siècle.

Cette origine judéo russe d’un des plus grands compositeurs de musique de film, et d’un très grand compositeur tout court, est une des mille choses qu’on apprend dans la très agréable biographie que le pianiste, lui-même compositeur, Karol Beffa, vient de consacrer à Bernard Herrmann pour les éditions Actes Sud.

Le nom de Bernard Herrmann est tellement lié à Alfred Hitchcock, et aux 8 films sur lesquels ils ont travaillé ensemble – et tous sont des chefs d’œuvres – qu’on en oublie les autres illustres collaborations du musicien.

Avec Hitchcock la collaboration a commencé avec le délicieux « Mais qui a tué Harry », qui révéla Shirley Mac Laine, s’est poursuivie avec Le faux coupable, Vertigo, La mort aux trousses, Les oiseaux, Pas de printemps pour Marnie, et bien sûr Psychose.

Elle s’acheva dans la douleur avec Le rideau déchiré, film pour lequel, en cours de route, sous l’influence des studios, Hitchcock échangea le brillantissime Bernard Herrmann, pour le bon faiseur qu’était John Addison.

Mais cette collaboration fameuse ne doit pas faire oublier, entre autres, celle d’Herrmann et d’Orson Welles, qui commença par des émissions radiophoniques au fort retentissement, et continua avec le génial coup d’éclat que fut Citizen Kane, premier film des deux artistes !

On ne doit pas non plus mettre de côté le merveilleux duo que forma Bernard Herrmann avec Joseph Mankiewicz, pour le flamboyant ‘L’affaire Cicéron’, avec James Mason et Danielle Darrieux, et le si envoutant et poétique « l’aventure de Madame Muir », avec une Gene Tierney exceptionnelle, et un Rex Harisson, qui ne le fut pas moins.

Et puis les collaborations avec Truffaut, Brian de Palma et Martin Scorcese pour Taxi Driver, résultant d’un hommage rendu par ces jeunes réalisateurs à ce maitre.

François Truffaut, tout à son admiration pour Hitchcock, demanda à Bernard Herrmann de composer la musique de deux de ses films, « Farenheit 451 » et « La mariée était en noir ».

Si la collaboration pour le premier film fut sans tâche, ce ne fut pas exactement le cas de la seconde. Truffaut remplaça en effet, pour un court passage de son film, la musique de Herrmann, par du Vivaldi, ce qui tombe comme un cheveu sur la soupe, et contraria le musicien.

Mais là où la biographie écrite par Karol Beffa est particulièrement intéressante, c’est lorsqu’il évoque les œuvres que Bernard Herrmann composa pour la salle de concert, et non plus pour la salle de cinéma.

Il les décortique sans pédanterie et de manière très simple, nous laissant entrapercevoir les clés d’un génie.

On doit à Bernard Herrmann, un opéra, « Les Hauts de Hurlevent », une cantate, « Moby Dick », et plusieurs œuvres symphoniques et de musique de chambre.

On lui doit même, en 1968, l’adaptation en comédie musicale, du « Roi des Schnorrers », d’Israël Zangwill, qu’on serait très curieux d’écouter.

En un format court, Karol Beffa nous livre une passionnante biographie de Bernard Herrmann, à lire avant de revoir tous ces merveilleux films auxquels il participa.

Frédéric HUTMAN