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ALICAMENT, ALIMENT-MEDICAMENT DANS LE JUDAÏSME

« Que ton aliment soit ton médicament ! »… Cette citation d’Hippocrate n’existe pas ! (Professeur Jacques Jouanna, Université Paris- Sorbonne). Hippocrate ne pouvait pas parler de médicament car ce terme n’a été inventé qu’en 1314.
Cela n’empêche pas qu’Hippocrate a été le premier médecin à mettre en avant l’importance de l’alimentation dans la santé. Par la suite, bien plus tard, d’autres praticiens le confirmeront, notamment le Rambam.

Hippocrate met en avant la qualité et la quantité des aliments. Il conseille (comme les nutritionnistes aujourd’hui) une alimentation équilibrée : réduire les sucres et les mauvaises graisses, prioriser protéines, légumes, féculents, fruits…
La Torah, elle, nous enseigne une règle diététique complémentaire qui n’a rien à voir avec la nature des aliments. Une règle à consonance uniquement spirituelle, indépendante de la nature ou de la quantité des aliments. Je cite : « Vous servirez Hachem votre D…et Il bénira alors ton pain et tes eaux, et Il ôtera ainsi la maladie de ton sein ».(Exode,23,25)
La conséquence du Service Divin est la bénédiction du pain et de l’eau, aliments vitaux et la disparition de la maladie .

En servant Hachem, notre alimentation devient un médicament et nous guérit. Comment est-ce possible ?

Pour la Torah, l’aliment n’est qu’un excipient (élément sans activité thérapeutique qui entre dans la composition du médicament). Le principe actif est en vérité l’énergie spirituelle apportée par le service de D-ieu et c’est cette spiritualité contenue dans les nutriments qui écarte la maladie.
C’est ce qu’on récite dans le BIRKAT HAMAZON (prière après le repas ) : « Que ce que nous avons mangé nous soit profitable, que ce que nous avons bu ait un effet curatif et que la bénédiction soit sur les restes de nourriture… ».

À quoi consiste le service de D-ieu? Maïmonide nous apprend qu’il s’agit d’une mitsva positive : « S’adresser à Hachem par des prières ». Le Rambam poursuit en citant le Sifri : « Le servir, c’est lui adresser des prières, ou encore Le servir, c’est étudier la Torah ». Cet ordre de servir D-ieu est d’ailleurs répété plusieurs fois dans la Torah, notamment dans le «Chema Israël », que nous récitons matin et soir. Il s’agit donc d’étudier et de prier (Torah / Téfilah) quotidiennement.

Réciter les bénédictions avant de manger est aussi une façon d’apporter une vitalité spirituelle aux aliments et leur conférer un pouvoir de guérison. Idem pour la récitation des prières après manger. Évidemment, on se doit de consulter un médecin lorsqu’on est souffrant et suivre ses prescriptions. Car Hachem a donné l’autorisation au médecin de guérir.

Sur les mots « … et lui assurera une complète guérison » (Exode 21,19), nos sages affirment : « la Torah accorde au médecin la permission de pratiquer ses arts de guérison » (Talmud, Berakhot 60a). Toutefois, le service Divin a aussi un rôle non négligeable dans l’éloignement de la maladie, comme il est dit : « J’ôterai la maladie de ton sein ».
Certes , il faut choisir une alimentation saine et se soigner par les médicaments mais cela ne suffit pas. Depuis le don de la Torah au Mont Sinaï, on est obligé de tenir compte de l’aspect spirituel. Ce lien entre matériel et spirituel est un fondement du judaïsme. C’est aussi pour cette raison que l’on prie pour les malades.

Rappelons une citation de Carl Gustav Jung (médecin psychiatre) : « Les crises, les bouleversements et la maladie ne surgissent pas par hasard. Ils nous servent d’indicateurs pour rectifier une trajectoire, explorer de nouvelles orientations, expérimenter un autre chemin de vie ».

La maladie est un appel à l’introspection non seulement psychique mais aussi spirituelle. La spiritualité fait partie de la nature profonde du juif. Par conséquent, on ne peut l’occulter (ce d’ailleurs dans tous les domaines de la vie). Et cela est encore plus vrai lorsqu’il s’agit de notre santé.

Dr. Gilles UZZAN
Psychiatre – addictologue