
Vous avez gagné une heure de sommeil cette nuit : votre corps, lui, n’est pas d’accord
Nous sommes dimanche matin, et cette nuit, à trois heures, il était de nouveau deux heures. Officiellement, nous avons “gagné” une heure de sommeil. En pratique, c’est notre organisme qui devra s’ajuster à ce petit tour de passe-passe temporel. L’horloge biologique, ce minuscule chef d’orchestre tapi dans l’hypothalamus, n’a rien à faire des décisions administratives. D’après une étude de l’Inserm, cette horloge, réglée sur la lumière, le repas et l’activité, met souvent plusieurs jours à retrouver son tempo naturel après un changement d’heure.
On imagine souvent que le passage à l’heure d’hiver est plus doux que celui d’été : c’est vrai, mais pas totalement. D’après les chercheurs en chronobiologie, reculer d’une heure n’efface pas la désynchronisation, il la déplace. Le corps croit encore qu’il est temps de dormir alors que la journée a déjà commencé, ce qui explique cette sensation de lenteur au réveil, cette légère brume matinale qui flotte dans les esprits. Certains s’y adaptent en deux jours, d’autres en une semaine — et les “couche-tard”, eux, râlent jusqu’à Noël.
Ce dérèglement n’est pas qu’une affaire de sommeil. Le cœur, la tension artérielle, la glycémie, tout est minutieusement cadencé par l’alternance du jour et de la nuit. D’après plusieurs études européennes, les jours suivant le changement d’heure, les accidents de la route augmentent légèrement, tout comme les troubles de l’attention. Rien d’alarmant, mais suffisant pour rappeler que notre biologie ne sait pas faire “copier-coller” entre deux fuseaux horaires.
Et si l’on prend un peu de hauteur, le changement d’heure devient un miroir culturel fascinant. Dans les pays proches de l’équateur, il n’existe pas : les journées y varient si peu que la question ne se pose même pas. En Finlande, à l’inverse, la lumière fluctue tant qu’un décalage d’une heure paraît presque dérisoire. En France, c’est un petit événement national : les uns profitent du dimanche matin pour traîner au lit, d’autres pour bruncher plus tôt, et dans certaines familles, on s’amuse à constater que le Shabbat se termine désormais avant le dîner, libérant la soirée des bar mitzvahs ou un restaurant entre amis. Le changement d’heure n’est pas qu’un phénomène biologique : c’est un fait de société, une manière bien française d’articuler la science du sommeil et la sociologie du week-end.
Ce dimanche, donc, à trois heures du matin, il était deux heures. Une heure offerte, mais pas forcément sans contrepartie. Si cette heure supplémentaire de sommeil fait du bien à certains, d’autres verront leur rythme perturbé pour plusieurs jours. D’après l’Inserm, notre organisme met en moyenne une semaine à se recaler totalement. Ce décalage n’est ni grave ni anodin : c’est une expérience grandeur nature de la fragilité de notre équilibre interne. Reste à savoir ce que chacun fera de cette heure gagnée : certains la passeront à dormir, d’autres à flâner, et peut-être quelques-uns à agir — parfois même sans trop réfléchir. Ce serait, pour une fois, une belle manière d’être en avance sur son temps.
JT
