POURQUOI LES ISRAÉLIENS RESSENTENT-ILS LE TEMPS COMME UNE JOURNÉE INTERMINABLE DEPUIS LE 7 OCTOBRE ?

Les chercheurs de l’équipe du Professeur Einat Levy-Gigi expliquent dans un article paru en janvier (Treitel C, Levy-Gigi E. The dual role of time perception in trauma-exposed individuals: A conceptual review. Psychol Trauma. 2023 Nov 30) que les événements traumatisants entraînent un ralentissement dans la perception du temps, de sorte que chaque jour semble être une éternité avec pour conséquence une persistance des sentiments négatifs.

Les auteurs de ce travail expliquent que cette altération de la perception du temps est du au décryptage par notre cerveau d’événements traumatisants comme une sommation de multiples éléments. Lorsqu’une personne doit rester dans un abri anti-bombes pendant de nombreuses heures, chaque élément de cette expérience (la structure de l’abri, les odeurs, les sons) est indépendamment associé à des sentiments négatifs en rapport direct avec le traumatisme. Ainsi, chaque élément peut évoquer l’événement même en l’absence des autres éléments.

Cela peut expliquer pourquoi les enfants qui ont dû rester dans un abri anti-bombes pendant de nombreuses heures lors de l’attaque du Hamas dans le nord-ouest du Néguev le 7 octobre, peuvent développer une peur d’être enfermés dans de petites pièces (même s’ils sont conscients de sa sécurité) et pourquoi les soldats, en revenant du champ de bataille, peuvent se sentir anxieux lorsqu’ils entendent des feux d’artifice (même s’ils sont en sécurité dans leur ville natale).

Une petite pièce ou des sons forts sont tous deux des stimuli neutres. Cependant, comme ils faisaient également partie de l’expérience traumatique, ils sont associés à la réaction traumatique et peuvent la provoquer de manière indépendante, même dans des situations sûres.

Les personnes ayant vécu un traumatisme souffrent selon ces auteurs israéliens d’un ralentissement chronique de la perception du temps avec pour conséquence le développement de symptômes post-traumatiques qui perdurent dans le temps. Ils sont pris dans un piège cruel dans lequel les événements traumatisants et neutres continuent de perturber la perception du temps.

Les chercheurs recommandent des exercices pratiques pour rétablir une perception temporelle saine. Ils conseillent de prêter une attention consciente au déroulement du temps . Par exemple, le décompte continu du nombre de jours pendant lesquels les otages ont été retenus captifs à Gaza permet de situer l’événement traumatisant et de mesurer plus précisément notre distance par rapport à lui. Les auteurs ont également conseillé d’examiner la période où a eu lieu le traumatisme dans une perspective historique plus large. En comparant le conflit qui a lieu à Gaza  à une autre guerre on prend un recul historique qui permet de mieux surmonter les traumatismes actuels.

Dr. Bruno HALIOUA