Les larmes humaines contiennent une substance qui atténue l’agressivité, selon une étude israélienne
Charles Darwin s’interrogeait sur l’intérêt de pleurer. Écrivant dans L’expression des émotions chez l’homme et les animaux en 1872, le grand naturaliste déclarait que les sanglots étaient « inutiles comme la sécrétion de larmes provoquée par un coup porté hors de l’œil ».
On sait aujourd’hui que les larmes jouent un rôle important en physiologie humaine depuis le signalement de la vulnérabilité et de l’impuissance jusqu’à l’élimination des bactéries des yeux. Les souris et les rats sont les seuls animaux à libérer des larmes.
Selon des chercheurs italiens qui ont étudié les larmes des rongeurs, les larmes des souris mâles excitent les souris femelles grâce à une protéine spécifique qui agit comme un aphrodisiaque pour les femelles, les rendant plus réceptives au sexe. Il s’agit d’un exemple de chimiosignalisation sociale, un processus courant chez les animaux mais moins compris chez les humains.
Et voilà que les scientifiques de l’Institut des sciences du cerveau du professeur Noam Sobel de l’Institut Weizmann de Rehovot sont allés plus loin en étudiant l’action des larmes émotionnelles des yeux des femmes sur les hommes. Ils viennent de publier une recherche dans la revue PLOS Biology démontrant que les larmes dans les yeux des femmes contiennent des substances qui bloquent l’agressivité chez les hommes ( Agron S, de March CA, Weissgross R, Mishor E, Gorodisky L, Weiss T, Furman-Haran E, Matsunami H, Sobel N. A chemical signal in human female tears lowers aggression in males. PLoS Biol. 2023 Dec 21;21(12):e3002442.).
Leur travail a consisté à collecter les larmes qui coulaient sur les visages des femmes alors qu’elles regardaient des films tristes. Six d’entre elles âgées de 22 à 25 ans ont été sélectionnées parce qu’elles produisaient des larmes en grande quantité. Les expériences consistait à demander à 31 hommes de renifler soit une solution saline, soit des larmes de femmes avant de se faire tamponner des tampons avec les gouttelettes collées sur leur lèvre supérieure. Les hommes ont ensuite participé à un jeu informatisé utilisé en psychologie pour provoquer un comportement agressif qui consiste à faire croire que l’autre joueur triche effrontément et qu’il est possible de se venger en lui faisant perdre de l’argent. Les hommes ne savaient pas ce qu’ils reniflaient et ne pouvaient pas faire la distinction entre les larmes et la solution saline, qui étaient toutes deux inodores.
Au terme de l’étude, ils ont établi que les comportements agressifs, sous forme de représailles, étaient 43,7 % inférieurs lorsque les hommes reniflaient les larmes des femmes par rapport à une solution saline. Un étude par l’imagerie fonctionnelle a montré deux régions cérébrales liées à l’agression – le cortex préfrontal et l’insula antérieure – qui devenaient plus actives lorsque les hommes étaient provoqués pendant le jeu, mais ne devenaient pas aussi actives dans les mêmes situations lorsque les hommes étaient provoqués en reniflant les larmes.
Cela leur a permis de confirmer que les larmes humaines contiennent un signal chimique qui bloque l’agressivité masculine non spécifique. Grâce à leur étude, cette équipe israélienne espère identifier l’ingrédient actif des larmes. Cela ouvrirait la porte à la fabrication de la substance et potentiellement à son utilisation pour réduire les tendances agressives.
Dr. Bruno HALIOUA