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L’extension de l’épidémie

Trois événements survenus le 7 avril marqueront l’histoire de l’épidémie.

Le confinement a pris fin dans la ville de Wuhan. La veille, le gouvernement chinois avait annoncé le premier jour sans aucun décès lié au Covid19 dans le pays tout entier. L’épidémie y aurait entrainé au total 3300 morts, bien moins qu’en Italie, en France, en Espagne, dans le Royaume Uni ou aux USA. Ces chiffres sont mis en doute par les spécialistes: certaines évaluations « à la louche » font état de 200 à 300 000 morts.Personne ne sait en vérité, tant la main mise des autorités chinoises sur l’information est absolue. 

Mais le fait est là: aujourd’hui ce sont nos pays qui sont dans l’oeil du cyclone. 

Le Sars, le Mers, la dengue, le Zika, le chikungunya, Ebola, toutes ces épidémies avaient gardé un caractère  exotique..Obnubilés par une gestion sanitaire en flux tendus, des états dont le nôtre ont baissé la garde en matière de recherche, d’équipements et de logistique de crise sanitaire.

Ce n’est pas faute d’avoir été prévenus. La conférence de Bill Gates en 2015 a été un exemple de lucidité. Mais la plupart  d’entre nous prophétisons  mieux après qu’avant et nous nous sommes moqués des stocks de vaccins anti-grippaux qu’avait empilés Mme Bachelot, ministre de la santé lors de la grave épidémie H1N1 de 2009….

 Le même 7 avril, les Etats Unis annoncent 2000 morts , pire bilan journalier humain dans un pays depuis le début de l’endémie. Aujourd’hui la gare de Wuhan est pleine et Times Square est vide. Le directeur du NIH,Antony Fauci, a annoncé  qu’il y aurait plus de 100 000 morts.  Certains relativisent car la grippe à elle seule fait dans ce pays 50 000 victimes annuelles, mais elle s’étend sur six mois, ce qui permet d’étaler les soins dans un système de santé qui, malgré son prestige et sa qualité, présente aussi de très graves déficiences .

Le même 7 avril, le Premier Ministre britannique est annoncé en « soins intensifs ». Apparemment oxygénothérapie et non pas ventilation mécanique, mais il n’empêche: l’homme qui prétendait que le confinement risquait de gêner l’immunité de groupe (« herd immunity »), meilleure arme de protection de la population, témoigne  par sa maladie que l’optimisme a ses limites. C’est aussi un symbole de ce que le Covid est égalitaire, contrairement à tant d’agents infectieux qui se développent plus facilement dans des populations en détresse.

Les progrès que fait le  Covid en Afrique sont particulièrement inquiétants: faiblesse du sytème sanitaire, difficultés culturelles ou pratiques au maintien de la distanciation sociale et des « gestes barrière », surpeuplement citadin, état de santé médiocre… Certains ont pensé qu’il y avait des déterminants génétiques (par exemple la structure du récepteur au Covid, l’ACE2, où les mutations sont fréquentes) qui mettraient les populations africaines relativement à l’abri et que la jeunesse de la population était un atout. Tout cela est loin d’être sûr. Si le Covid se développe en Afrique, le potentiel de réinfestation des autres continents sera augmenté, avec le risque d’une seconde vague….

 Notre monde est interdépendant. Ce n’est pas la première fois dans l’histoire que des microbes venus d’ailleurs entrainent une catastrophe dans une population non immunisée: les dizaines de millions de morts par infections provoquées en Amérique par la rencontre avec les conquérants européens en est un lourd rappel. Ce n’est pas la première fois non plus qu’une épidémie virale s’étend mondialement: on dit, sans certitude d’ailleurs, que l’épidémie de grippe « asiatique » a fait 50 millions de victimes il y a un siècle. Ce nombre extraordinairement élevé en dit long  d’ailleurs sur nos capacités d’oubli. 

L’interdépendance a des limites.  Une fois sortis de l’épidémie,  allons-nous démondialiser ce monde où nous vivons? 

Richard Prasquier