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Complications cardiaques de l’hydroxychloroquine

Quitte à protester contre les limitations engendrées par la réglementation qui la réserve aux formes hospitalières de la maladie, et en particulier dans le cadre de l’essai Discovery, l’une des raisons de l’intérêt de beaucoup de médecins pour l’hydroxychloroquine dans le traitement du Covid tient à la notion que ce traitement est très bien supporté: il y a la longue expérience des rhumatologues, et plus encore peut-être celle de la prise, banale dans le passé, de chloroquine (Nivaquine) en prévention du paludisme.

Certes, on sait qu’il y a des complications rétiniennes, mais elles ne surviennent que lors des traitements prolongées et sont repérées par électrorétinographie. Il y a aussi la possibilité de troubles du rythme ventriculaire sur la base d’un allongement du QT: ils sont très rares et peuvent être évités par un ECG préalable et un contrôle de la kaliémie. L’association avec l’azithromycin, elle-même susceptible d’allonger le QT est déjà un peu plus problématique…

Mais en est-il vraiment de même au cours du traitement du Covid? Nous commençons à avoir des éléments de réponse.

Le centre de pharmacovigilance de Dijon répertorie depuis le 27 mars, l’ensemble des effets indésirables en lien avec les médicaments utilisés chez les patients pris en charge pour une infection à Covid 19. Le centre de pharmacovigilance de Nice réalise une enquête complémentaire portant spécifiquement sur les effets cardio-vasculaires de ces traitements.

Au dernier point d’informations, le 10 avril, l’ANSM a fait état de 43 cas d’effets secondaires dus à l’hydroxychloroquine, déterminés uniquement à partir des informations envoyées par des établissements de santé, l’hydroxychloroquine ayant été prescrite seule ou en association avec l’azithromycine. Parmi eux 7 morts subites dont trois « récupérées » par défibrillation, et une dizaine de troubles du rythme graves avec manifestations syncopales. Les autres cas étaient de troubles de conduction intraventriculaires asymptomatiques liés à un allongement de QT et réversibles à l’arrêt du médicament.

Que signifient ces chiffres? Ils peuvent être sous-évalués, la surcharge de travail ne poussant pas à la déclaration paperassière d’effets secondaires, ils peuvent être surévalués, les anomalies constatées n’étant pas directement attribuables à la chloroquine: cependant la fréquence des anomalies de QT interpelle. Quoi qu’il en soit, ce registre confirme que l’hydroxychloroquine dans les formes graves de la maladie n’est pas du tout un traitement anodin.

Plusieurs facteurs interviennent dans les formes graves de la maladie: la sensibilité d’un organisme en hypoxie, avec la possibilité d’une ischémie myocardite fonctionnelle ou organe-fonctionnelle chez des patients atteint de cardiopathie ischémique préalable, les troubles hydroélectrolytiques éventuels et enfin les troubles de la coagulation lors de la période inflammatoire de l’orage de cytokines, qui peuvent être très importants, comme l’avaient déjà signalé les premières publications chinoises. 

À ce contexte inflammatoire s’ajoute la possibilité d’une atteinte myocardique au cours de la maladie: l’élévation de la Troponine serait un facteur pronostique important, et ne correspond pas d’habitude à une nécrose. La possibilité d’une myocardite virale vient d’être confirmée (Tavazzi G et col,.Eur J Heart Fail 10 avril 2020) chez un patient italien de 69 ans qui a développé un état de choc cardiogénique nécessitant contre pulsion aortique puis oxygénation extra-corporelle. Au décours, une biopsie endomyocardique a trouvé une inflammation du myocarde avec présence de particules virales. Cet état de myocardite aigüe, que ce soit par migration de particules depuis les alvéoles pulmonaire ou par virémie, confirme que le Covid n’est pas uniquement une maladie respiratoire. Une atteinte myocardique augmente certainement le risque de complications de la chloroquine.

Dans les formes peu symptomatiques, le risque est certainement bien moindre, mais il n’est pas prouvé qu’il soit minime car l’infection à coronavirus peut toucher le coeur à bas bruit, comme d’autres organes extra-pulmonaires. Aurons-nous un jour les données randomisées larges indispensables, sur ce sujet très « inflammable »? Aux USA a commencé l’étude Patch 1, 2 et 3 recouvrant l’ensemble des situations cliniques. Les partisans de la chloroquine ne veulent pas attendre, mais la médecine ne vit pas de croyances et il est faux de croire qu’il n’y a aucun risque à essayer….. 

Dr Richard Prasquier