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L’hypertension rénovasculaire de Roosevelt qui changea le cours de l’Histoire

Second et dernier volet des pathologies rencontrées par Franklin Delano Roosevelt. Aujourd’hui : son hypertension rénovasculaire.

Ses médecins posent le diagnostic de« maladie rénale de Bright »

Du 4 au 11 février 1945, dans la petite ville de Livadia, à 3 km au sud de Yalta, sur la côte méridionale de Crimée en bordure de la mer Noire dans le palais construit par Nicolas II, les représentants de l’URSS, des États-Unis et de la Grande-Bretagne – Staline, Roosevelt et Churchill – se retrouvent afin de préparer le devenir du monde, au lendemain de ce qui est considéré comme acquis : la défaite de l’Allemagne. La ville ukrainienne de Yalta accueille les trois grands vainqueurs de la Seconde Guerre mondiale : Churchill (âgé de 70 ans), Roosevelt (âgé de 63 ans) et Staline (âgé de 66 ans). Le rapport des forces militaires est favorable au « petit père des peuples » qui souhaite profiter de cette réunion au sommet pour obtenir de nombreuses concessions de la part de Franklin Delano Roosevelt. Ce dernier est physiquement diminué depuis le mois d’août 1921 par la poliomyélite qui le condamne à se mouvoir à l’aide d’une chaise roulante.

En 1937, Roosevelt, qui commence son deuxième mandat présidentiel, souffre d’une hypertension artérielle modérée à 165/100. Ses médecins posent le diagnostic de « maladie rénale de Bright ». Cette maladie, individualisée en 1914 par les médecins allemands Franz Volhard (1872-1950) et Karl Theodor Fahr (1877-1945), associe une hypertension très élevée, une insuffisance rénale, une nécrose fibrinoïde des artérioles rénales et une rétinopathie avec œdème papillaire. Les médecins du président n’arrivent pas à adopter un consensus sur la conduite thérapeutique à tenir vis-à-vis de Roosevelt d’autant qu’il n’existe aucun traitement hypotenseur réellement efficace à l’époque.

Le diagnostic d’hypertrophie ventriculaire gauche est confirmé

En 1941, la pression artérielle moyenne de Roosevelt s’élève à 188/105. L’amiral Ross Mac Intyre , médecin personnel du président, ORL de formation, est le seul habilité à rédiger les bulletins de santé officiels destinés à la presse. Rétrospectivement, on s’est aperçu que tous ses communiqués cachaient la vérité. Jusqu’en 1944, aussi bien les membres du gouvernement que sa femme Eléonore et ses proches, ignoraient la gravité de l’état de santé du président.

Au début du printemps 1944, à un moment crucial de la guerre, le président Roosevelt commence à se plaindre des premiers signes cliniques de l’insuffisance cardiaque.

Le diagnostic d’hypertrophie ventriculaire gauche est confirmé par les médecins à partir des données des ECG et des radiographies thoraciques. Un cardiologue, Howard G. Bruenn, est désormais chargé de la prise en charge des problèmes cardio-vasculaires de Roosevelt. L’analyse d’urine du 30 mars 1944 retrouve une albuminurie, une hématurie, une pyurie et la présence de cylindres. Le Docteur Bruenn impose des mesures hygiéno-diététiques avec un régime désodé et hypocalorique à 2.600 puis à 1.800 calories. Il préconise un traitement par digitaline.

Le 2 mai 1944, un mois avant le débarquement en Normandie, la pression artérielle du Président Roosevelt atteint 240/130. Le 27 novembre, au moment de l’élection présidentielle, elle atteint 250/150. Le graphique tensionnel de Roosevelt, conservé soigneusement à l’hôpital militaire de Bethesda, a disparu mystérieusement après son décès…

Réélu président des Etats-Unis pour la quatrième fois en novembre 1944, Roosevelt s’affaiblit rapidement. Il perd 9kg en quelques semaines.

Le Docteur Bruenn décide de suspendre le régime hypocalorique et désodé et de réduire la posologie de digitaline. L’amiral Ross Mac lntyre, qui se veut rassurant, évoque dans son communiqué « un trouble cardiaque sinusal, classique chez un homme de 60 ans ».

Tous les journalistes présents remarquent le mauvais état de santé du président américain

A l’ouverture de la conférence de Yalta, le 4 février 1945, tous les journalistes présents remarquent le mauvais état de santé du président américain. La délégation américaine demande au protocole russe d’alléger le programme des réceptions et des dîners.

La durée traditionnelle de cérémonies avec les toasts à la vodka est raccourcie. La photographie officielle de la rencontre ne dure pas plus de deux minutes. Les séances plénières se déroulent au Palais Livadea qui héberge la délégation américaine. Un de ses membres, William Averell Harriman, son conseiller économique, a expliqué par la suite : «  j’ai été terriblement impressionné par le changement (de son état physique) depuis nos conversations à Washington, après les élections de novembre (…) il n’avait plus la force d’être aussi opiniâtre qu’il aurait désiré être (…) mais je n’y crois pas que cela aurait changé grand chose à la question polonaise ». Roosevelt, qui s’affaiblit, n’est absolument pas en mesure de résister aux désidératas de Staline. Il redoute par dessus tout un affrontement russo-américain.

Staline obtient que l’URSS conserve les territoires polonais et les pays baltes, annexés en 1940 grâce au pacte germano-soviétique et aux accords Ribbentrop-Molotov. Il obtient également des droits sur des territoires situés en Asie (contrôle des chemins de fer de Mandchourie, base de Port-Arthur, sud de Sakhaline, îles Kouriles). Roosevelt est satisfait du résultat de la rencontre. Il a conduit Staline à intervenir militairement contre le Japon. Il ne se rend pas compte qu’il a livré les démocraties de l’Europe de l’Est à l’empire soviétique. Le mois de mars 1945 est particulièrement éprouvant pour Roosevelt. Il doit préparer la cérémonie destinée à marquer le début de l’Organisation des Nations Unies qui doit avoir lieu le 25 avril. Il part se reposer à Warm Springs le 29 mars 1945. Il en profite pour parcourir des dossiers, pour rédiger des dépêches et pour lire son courrier.

« J’ai un terrible mal de tête »

Le 12 avril , vers 9 heures 20, il se plaint d’un léger mal de tête et d’une raideur de la nuque. Il continue néanmoins à vaquer à ses occupations. A 13 heures comme l’explique un de ses biographes : « Tout à coup, il lève la main à la tempe ». « J’ai un terrible mal de tête » dit-il. « Puis il glisse dans son fauteuil de cuir ». Le Dr Bruenn appelé d’urgence enregistre une pression artérielle de 300/190 et un rythme cardiaque accéléré à 120. Il fait une injection intramusculaire de papavérine. Rapidement, Roosevelt tombe dans le coma.

Le 32éme président des Etats-Unis meurt le 12 avril 1945 à 15 heures 35 dans un tableau d’hémorragie cérébrale. L’annonce du décès de Roosevelt plonge les Etats-Unis dans la stupeur. Personne ne s’était douté de l’état gravissime de Roosevelt d’autant que le dernier communiqué de l’Amiral Mac Intyre avait fait état du fait que le président était « en excellente santé, qu’il n’y avait aucun signe (clinique) précurseur d’un danger imminent »…

En 1948, Sherwood, biographe de Roosevelt a écrit : « je pense en définitive qu’il a été littéralement broyé. Il n’était plus en mesure de résister plus longtemps. Tout cela en raison des effroyables responsabilités qui s’étaient accumulées pendant de si nombreuses années. Les peurs et les espoirs de centaines de millions d’êtres à travers le monde reposaient sur le cerveau d’un seul homme jusqu’à ce que sa chair ne puisse plus résister à la pression , il s’exclama alors « j’ai terriblement mal à la tête », et il perdit connaissance, puis mourut. »

Dr. Bruno HALIOUA

Pour en savoir plus : L’Histoire de la médecine pour les Nuls (Bruno Halioua, Editions First)