Ces malades célèbres qui ont changé l’Histoire : La plaie oculaire du Roi Henri II
UN TOURNOI POUR CÉLÉBRER LA PAIX
Héritier de François 1er, le roi de France Henri II organise un tournoi à Paris le jeudi 30 juin 1559 pour commémorer la signature du traité du Cateau-Cambrésis qui met fin aux guerres d’Italie. Ce traité signé avec Philippe II d’Espagne, fils de Charles Quint, a des conséquences catastrophiques pour le royaume de France.
La reine de France Catherine de Médicis est présente au tournoi, mais elle est inquiète en raison d’une sinistre prévision qu’aurait prononcé un certain Nostradamus. Non loin d’elle, il y a la maîtresse du roi, Diane de Poitiers, qui a vingt ans de plus que lui. A l’aube de la Renaissance, les grands tournois médiévaux deviennent rares. Les règles sont strictes et lui imposent d’affronter successivement trois adversaires. Il combat à cheval, le cheval étant lui-même protégé. Il est protégé par une armure très lourde. Sa tête est dotée d’un heaume qui comporte une visière dans laquelle une fente est aménagée pour lui permettre de voir. Il est armé d’une lance boutonnée de six mètres de long qu’il tient par une poignée massive protégée derrière une coque.
Après un premier adversaire, le duc de Guise se présente à lui. C’est un homme de guerre qui vient de combattre vaillamment dans les Flandres. Le choc entre les deux combattants est considérable mais aucun d’eux ne tombe, ce qui conduit les juges à déclarer la rencontre nulle. La reine est très inquiète, elle supplie à deux reprises son époux « de ne plus travailler, l’heure étant tardive et le temps extrêmement chaud ». Mais le roi veut absolument affronter son troisième adversaire, Gabriel de Lorges, comte de Montgomery, capitaine de la garde écossaise. Agé de trente ans, ce dernier est grand, robuste et très entraîné. Le choc entre les deux hommes est encore plus brutal que le précédent. Ils brisent tous deux leur lance mais aucun d’eux ne tombe et leurs montures retrouvent leur aplomb. Les juges déclarent unanimement la rencontre nulle. Henri II est très dépité par ce triple résultat où il n’a pas brillé. Il vient de combattre devant sa femme Catherine de Médicis et surtout devant sa maîtresse Diane de Poitiers. Le fait d’avoir été tenu en échec devant Montgomery en présence de Diane de Poitiers lui est particulièrement insoutenable.
Henri II est particulièrement jaloux et il a entendu certaines rumeurs de cour selon lesquelles Diane de Poitiers serait sous le charme de Montgomery. Sans le savoir, il va sceller son destin par une exigence irrégulière : il demande une nouvelle rencontre contre Gabriel de Montgomery. Les juges hésitent, mais finissent par accepter d’autant que c’est une demande royale qu’il est difficile de rejeter. Cela crée un malaise dans l’assistance. On remplace les lances des deux adversaires. Les deux adversaires se précipitent de nouveau l’un vers l’autre. De nouveau, le choc est d’une violence inouïe. De nouveau, les lances se brisent et, alors que le roi, comme il doit le faire, lâche aussitôt le manche de la sienne, la main de Montgomery se crispe sur sa lance. Son extrémité brisée glisse sur la pièce pectorale de l’armure d’Henri II, soulève la visière mal jointe et s’enfonce dans son orbite droite où elle laisse un long fragment. Tout se passe, bien sûr, dans un éclair, et tandis que Montgomery achève sa course, sa lance brisée encore en main, de l’autre côté, le roi vacille, s’effondre sur l’encolure de son cheval, reste cependant en selle. Le roi se tord de douleurs en murmurant : « Je suis tué ». L’assistance est sous le choc. Des proches du roi se précipitent.
AMBROISE PARÉ ET VÉSALE TENTENT DE REPRODUIRE LEUR INTERVENTION SUR DES TÊTES DE CONDAMNÉS
Le roi Henri II présente un traumatisme facial important : « Un gros éclat frappa le front au-dessous du sourcil droit et, déchirant la chair, vient s’enfoncer dans un coin de l’œil gauche ; plusieurs fragments percèrent l’œil-même ; l’os frontal ne fût pas touché ». Les premiers médecins et chirurgiens se portent aussitôt auprès de lui. Ils « arrachent du front, de l’œil et de la tempe cinq éclats de bois dont l’un est de la longueur d’un doigt, était piqué au–dessus du sourcil ». Il est précisé la taille des éclats de bois : 9,5 cm sur 1cm pour le plus grand et 7 cm sur 0,4 cm pour le plus petit. Ils lavent la plaie au blanc d’œuf et ils administrent au roi une potion faite de rhubarbe et de camomille. L’état empire, le roi se met à vomir et « une grande quantité de sang aqueux » s‘échappe de sa blessure et de l’anus.
Les médecins réalisent alors une saignée de douze onces de sang, ce qui a pour conséquence de plonger le roi dans une « stupeur physique et moral ». Un des chirurgiens qui a une certaine expérience de ce genre de blessure s’occupe plus particulièrement d’Henri II. Il s’agit d’Ambroise Paré. Il vient de soigner le Duc de Guise, victime d’un coup de lance au-dessous de l’œil au cours du siège de Boulogne. De son côté, Philippe II lui envoie en urgence son propre chirurgien, Vésale. Les deux célèbres praticiens vont tenter de reproduire, sur des têtes de condamnés qu’on décapite à la hâte, la blessure qui a atteint le roi. Ils n’y parviennent pas et échouent dans leurs tentatives d’extraction du fragment de lance. Une gravure célèbre les représentent au chevet d’Henri Il. Vésale note la présence d’une raideur méningée le quatrième jour.
Ambroise Paré et Vésale discutent de la réalisation d’une trépanation, ce qui aurait permis de poser le diagnostic d’hématome intracrânien et aurait eu une valeur thérapeutique. Malheureusement, ce geste est récusé pour éviter un surplus de souffrance au roi qui se tord désormais de douleurs. Désormais l’état d’Henri II va s’empirer. Il présente un tableau fébrile associé à des signes méningés et à des troubles neuropsychiques. Il meurt après 11 jours de souffrance, le 10 juillet « avec spasmes et une extension monstrueuse et hideuse des pieds et des mains, donnant des signes évidents de la véhémence du mal ».
Dr. Bruno HALIOUA
Pour en savoir plus : L’Histoire de la médecine pour les Nuls (Bruno Halioua, Editions First)