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Ces malades célèbres qui ont changé l’Histoire : La mort énigmatique de Napoléon

Deux ans après son arrivée sur la petite île anglaise de Sainte-Hélène, Napoléon a commencé à présenter des douleurs aiguës de l’hypocondre droit, des migraines, des vomissements de bile, des épisodes de diarrhée-constipation et de la fièvre. De nombreux diagnostics ont été évoqués : scorbut, hépatite amibienne, cancer gastrique, tuberculose digestive et empoisonnement. L’empereur déchu a bénéficié d’une prise en charge par trois médecins :

  • Barry Edward O’Meara, médecin irlandais apprécié par Napoléon, a été expulsé par le gouverneur anglais Hudson Lowe en juillet 1818, pour avoir informé ses supérieurs hiérarchiques des brimades que ce dernier faisait subir à l’empereur et pour avoir osé évoquer l’insalubrité du climat de Sainte-Hélène ;
  • Francesco Antommarchi a été surnommé par Napoléon capicorsinacio (« le médecin de chèvres»), en raison de son incompétence et de son absence d’empathie à son égard ;
  • Archibald Arnott, un médecin militaire écossais, s’est occupé de Napoléon pour pallier les insuffisances d’Antommarchi.

Le 1er avril 1821, après la survenue de vomissements « noirs comme du marc de café » et de selles « comme du goudron », Napoléon s’est fait examiner par Archibald Arnott, qui a diagnostiqué une inflammation de l’estomac et qui lui a prescrit du quinquina, des cataplasmes, de la gelée de viande, du vin de Bordeaux, des laitages et des vésicatoires. L’empereur écrit :

« Comme je souffre, je ne sens plus mes entrailles, il me semble que je n’ai plus de bas-ventre. Tout le mal que j’éprouve est vers la rate et l’extrémité gauche de l’estomac. »

Malgré le traitement mis en route, l’état de Napoléon s’est aggravé et il lui a été délivré, le 30 avril, 10 grains de calomel. Le 5 mai 1821 à 17 h 49, Napoléon a été officiellement déclaré décédé à l’âge de 51 ans, au terme de 8 semaines d’agonie. Le lendemain, lors de l’autopsie, Francesco Antommarchi a conclu à une mort consécutive à un « ulcère cancéreux fort étendu qui occupait spécialement la partie supérieure de la face interne de l’estomac » avec un « trou » (une perforation) de 6 mm de diamètre.

Très rapidement, la mort de Napoléon sur un territoire britannique est apparue suspecte et nombreux ont été ceux qui ont soulevé la thèse de l’empoisonnement. La baignoire de l’empereur, dans sa résidence de Longwood, étant en plomb, on évoqua le saturnisme. Le calomel à haute dose administré quelques jours avant sa mort a fait suspecter une intoxication au mercure. Mais nombreux ont été ceux qui ont avancé l’hypothèse de l’empoi­sonnement à l’arsenic, alors que l’empereur ne présentait aucun des signes cliniques qui traduisent l’intoxication arsenicale.

La thèse de l’empoisonnement est revenue sur le devant de l’actualité, en 1964, avec la mise en évidence de traces d’arsenic dans une mèche de cheveux de Napoléon, au centre atomique d’Harwell au Royaume-Uni. L’étude isotopique affirme même que 40 doses successives de poison ont été administrées au génie corse. D’autres études ont été réalisées depuis, exposées dans des colloques au cours desquels les spécialistes s’opposent, leurs résultats étant discordants.

S’agit-il des cheveux de l’empereur ? Des doutes persistent. Dans l’état actuel des connaissances, il est impossible d’affirmer (ou d’infirmer) que Napoléon Ier a été la victime d’un empoisonnement, car les concentrations d’arsenic varient considérablement selon l’alimentation, les traitements, voire la pollution atmosphérique… *

On peut se demander si l’épilogue de ce mystère n’a pas été résolu par le Professeur Alessandro Lufli de l’Institut de Pathologie de l’Université de Berne. Ce dernier a estimé, en étudiant les panta­lons de Napoléon, que son poids était passé de 67 à 90 kg entre 1800 et 1820, et qu’il avait perdu 11 kg durant sa dernière année, ce qui plaide en faveur d’un cancer gastrique.

Dr. Bruno HALIOUA

Pour en savoir plus : L’Histoire de la médecine pour les Nuls (Bruno Halioua, Editions First)