Close

Ces malades célèbres qui ont changé l’Histoire : la syphilis de Maupassant

Guy de Maupassant (1850-1893) a contracté, à l’âge de 27 ans, la syphilis à la suite d’une relation avec une de ses compagnes de canotage, comme il l’a relaté dans une lettre écrite le 2 mars 1877 à son ami Pinchon :

« Tu ne devineras jamais la merveilleuse découverte que mon médecin vient de faire en moi – jamais, non jamais. Comme mes poils tout à fait tondus ne repoussaient pas, que mon père pleurait autour de moi et que les lamentations de ma mère venaient d’Étretat jusqu’ici, j’ai pris mon médecin au collet et je lui ai dit : “bougre, tu vas trouver ce que j’ai, ou je te casse.” Il m’a répondu : “la vérole”. J’avoue que je ne m’y attendais pas, j’ai été très turlupiné, enfin j’ai dit “quel remède ?”.

Il m’a répondu : “mercure et iodure de potassium”. Je suis allé voir un autre Esculape et lui ayant narré mon cas, lui demanda son avis. Il m’a répondu : “vieille syphilis datant de six à sept ans qui a dû être recommuniquée par une plaque muqueuse aujourd’hui disparue.” […]

La vérole… J’ai la vérole ! Enfin ! La vraie ! Pas la méprisable « chaude-pisse », pas l’ecclésiastique cristalline, pas les bourgeoises crêtes de coq ou les légumineux choux-fleurs. Non, non, la grande vérole, celle dont est mort François Ier, la vérole majestueuse et simple, l’élégante syphilis. […] J’ai la vérole […] et j’en suis fier morbleu ! et je méprise par-dessus tous les bourgeois. Alléluia, j’ai la vérole, par conséquent je n’ai plus peur de l’attraper et je baise les putains des rues, les rouleuses de bornes, et après les avoir baisées, je leur dis : j’ai la vérole. Et elles ont peur et moi je ris… »

Le 11 mars 1877, Maupassant a bénéficié d’un traitement à base d’arsenic et d’iodure de potassium. Il semble qu’il ait reçu d’autres thérapeutiques antisyphilitiques alors en vogue telles que le sirop de Gibert, des pilules de Ricord et de la liqueur de Van Swieten.

À partir de cette période, Maupassant s’est plaint, à de multiples reprises, de migraines tenaces qui lui broyaient la tête et qui l’empêchaient de lire plus d’une heure de suite. À partir de 1881, Maupassant a été handicapé par ses troubles visuels, qui se sont aggravés, comme il l’a écrit en 1890 :

« Cette impossibilité de me servir de mes yeux… fait de moi un martyr… Je souffre atrocement… certains chiens qui hurlent expriment très bien mon état… Je ne peux pas écrire, je n’y vois plus. C’est le désastre de ma vie. »

À partir de l’automne 1889, Maupassant a commencé à présenter les premiers troubles de paralysie générale, et il est devenu sujet à des excentricités. Il est retrouvé un jour sur le boulevard Haussmann en train de gesticuler et d’invectiver des passants imaginaires. Un autre jour, il s’est mis à expliquer au poète Dorchain que le lac Divonne débordait en plein été, qu’avec sa canne il s’était défendu de trois souteneurs par-devant et de trois chiens enragés par-derrière… Une autre fois, il s’est plaint d’être imprégné de sel, responsable selon lui d’intolérables douleurs gastriques et cérébrales. La détérioration mentale majeure s’est considérablement aggravée ; il a essayé de mettre fin à ses jours au cours de la nuit du 2 janvier 1892.

Le célèbre psychiatre Émile Blanche avait jugé nécessaire de le faire venir à Paris, puis de l’interner dans sa clinique de Passy, où Maupassant a été hospitalisé dans la chambre 15, qui allait devenir son seul univers jusqu’à sa mort dix-huit mois plus tard. Ainsi finit Maupassant qui avait prophétisé :

« Je suis entré dans la vie littéraire comme un météore et j’en sortirai comme un coup de foudre. »

Dr. Bruno HALIOUA

Pour en savoir plus : L’Histoire de la médecine pour les Nuls (Bruno Halioua, Editions First)