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La Faculté de Médecine du Ghetto de Varsovie

Des médecins juifs de renom ont décidé de créer dans l’enceinte du Ghetto de Varsovie une faculté de médecine. Deux sous la direction des docteurs Juliusz Zweilbaum qui avait été Maître de Conférences (docent) d’histologie et d’embryologie de la Faculté de médecine de Varsovie. Et surtout Ludwig Hirszfeld qui était professeur de bactériologie et d’immunologie à l’Université de Varsovie depuis 1926. Ce médecin avait  découvert un micro-organisme, agent d’une fièvre paratyphoïde, Salmonelle hirszfeldi. Il avait  collaboré avec Landsteiner,prix Nobel dans des travaux de recherche dans le domaine des groupes sanguins.  Ils prennent prétexte de la demande des autorités allemande de mettre en place des mesures efficace de  la lutte contre le typhus pour créer une faculté de médecine clandestine.   Le cours inaugural se déroule le 11 mai 1941.Des étudiants juifs  bénéficient dans ce cadre d’un enseignement des matières fondamentales comme la biochimie, l’anatomie ou l’histologie correspondant  aux deux premières années d’études médicales classiques . Il est également mis en place des  laboratoires rudimentaires afin que les étudiants puissent y effectuer des travaux pratiques.  L’objectif de Ludwig Hirszfeld est d’inciter les jeunes à approfondir leurs connaissances  comme il l’a expliqué après la Guerre « L’en­nemi veut nous enlever, à nous Polonais et Juifs, tout ce qui est art et science. Il se peut que nous périssions, mais si nous devons périr, faisons-le avec dignité. Notre pensée doit pouvoir […] s’évader là où il nous est per­mis de réfléchir et de créer. ». L’état d’esprit de l’équipe d’enseignement est de faire oublier à ces étudiants la terrible réalité de la vie du Ghetto , « [je voyais] que j’avais bien ciblé, que ces gens désiraient terriblement des réunions, des conférences, des échanges d’idées – en un mot, tout ce qui pouvait leur rappeler leur vie d’avant-guerre, meilleure.».

L’enseignement de la médecine dans le cadre du Ghetto comporte deux conférences hebdomadaires de deux heures: une heure de théorie et une heure de clinique. Sous le couvert d’une série de conférence de  « pathologie générale », il met en place un enseignement correspondant au programme des deux premières années de médecine. Certains de ces étudiants vont survivre et poursuivront leurs études de médecine après la guerre comme le jeune Stanislas Tomkiewicz qui est devenu par la suite professeur de pédopsychiatrie

« Cette école de médecine était passionnante : pendant un an, nous avons appris l’anatomie avec une termino­logie latine, ce qui a beaucoup facilité mes études en France, les rudiments de l’immunologie, de l’histolo­gie et de la physiologie. À seize ans, j’ai commencé à faire des dissections, (…)Et vu que les cadavres frais que l’on découpait étaient ceux de morts de faim dans les rues — on ne disséquait pas les gens « bien » du ghetto —, ces au­topsies ne me faisaient pas trop d’effet. C’était presque une défense intellectuelle contre l’horreur quotidienne de la mort : elle devenait un objet de recherche scienti­fique, un objet d’apprentissage. J’adorais ces « travaux pratiques », j’y allais de très bon coeur, je n’en ai pas loupé une seule séance. »

Dans la faculté de médecine clandestine du ghetto, un groupe de médecins sous la direction de Dr Yisroel Milejkowski parmi lesquels Emil Apfelbaum ( père du professeur Marian Apfelbaum) décide de réalisé un travail de recherche pluridisciplinaire collaboratif sur les conséquences de la faim sur l’organisme.   Le 6  juillet 1942, se tient à l’hôpital Czyste un congrès scientifique avec l’ensemble des chercheurs présidé par  le docteur  Milejowski.  Ce dernier a exposé dans sa conclusion cette ultime hommage à ses confrères  qui traduit l’état d’esprit de ces médecins animés par le désir de laisser un témoignage pour les générations futures « Ces quelques derniers mots pour vous honorer, vous, les médecins juifs. Que puis-je vous dire, mes très chers collègues et compagnons de misère. Chacun de vous est une part de nous tous. L’esclavage, la faim, la déportation, les visages disparus de notre ghetto furent également votre héritage. Mais vous, de par votre œuvre, vous aurez pu défier les bourreaux : «  Non omnis moriar  –  Que je ne meure pas complètement ».    En prévision de la liquidation définitive du ghetto, et de la disparition progressive de la plupart de leurs auteurs, les manuscrits de ces travaux inachevés ont pu être adressés à temps, au Pr Witold Orlowski, directeur de la Clinique des maladies internes de l’Université de Varsovie. Ces médecins juifs du Ghetto de Varsovie ont réalisé une des pages les plus glorieuses de l’histoire de la Shoah.

 Pour en savoir plus:  Les 948 jours du ghetto de Varsovie. Bruno Halioua. Éditeur : éditions Liana Levi sur le site de l’éditeur ou sur Amazon