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Ces malades célèbres qui ont changé l’Histoire : La prostate de Clemenceau

Né à Mouilleron-en-Pareds (Vendée), le 28 septembre 1841, issu d’une famille de la bourgeoisie vendéenne, Georges Clemenceau fut d’abord médecin comme son père. Il était titulaire d’une thèse de doctorat soutenue en 1865, intitulée « De la génération des éléments atomiques ».

Après avoir séjourné plusieurs années en Angleterre et aux États-Unis, il se trouvait à Paris lors de la chute du second Empire et participa, le 4 septembre 1870, à la proclamation de la République à l’Hôtel de Ville. Arago le désigna alors comme maire de Montmartre. En 1876, il fut élu député de la Seine et prit la tête des radicaux qui siégeaient à l’extrême gauche de la Chambre. Il acquit rapidement une réputation de tombeur de ministères et combattit avec vigueur la politique coloniale de Jules Ferry. Pour défendre le régime contre le pouvoir personnel, il participa à la création de la Société des Droits de l’Homme et du Citoyen, avec Jules Joffrin.

Après son échec aux législatives de 1893, il se consacra au journalisme, d’abord à La Justice, qu’il avait fondé avec Camille Pelletan, puis à L’Aurore, où il devint éditorialiste en 1897, et dont les colonnes lui servirent à défendre Dreyfus, notamment en publiant le célèbre « J’accuse… » d’Émile Zola.

L’Affaire devait marquer son retour en politique. Elu sénateur du Var en 1902, il entra au gouvernement en 1906 comme ministre de l’Intérieur, puis, en octobre de la même année, accéda à la Présidence du Conseil. Jusqu’en juillet 1909, il devait diriger l’un des plus longs ministères de la IIIème République, marqué particulièrement par la manière sanglante dont fut réprimée la révolte des viticulteurs du Midi, et qui lui valut le surnom de “premier flic de France”.

En 1912, Georges Clemenceau âgé de 71 ans prend la décision de se faire opérer de son hypertrophie bénigne de la prostate. Dans un premier temps, il souhaite se faire opérer à Londres par le célèbre urologue Peter Freyer, spécialiste de la prostatectomie sus-pubienne. Finalement, cédant à la pression de ses collègues parlementaires, il décide de se faire opérer par le Professeur Antonin Gosset à la Clinique rue de Bizet des Sœurs de Niedersbronn.

Clemenceau lui explique : « Je veux être opéré. Je ne veux pas, quand je serai à la tribune, être gêné par ma vessie » et il lui explique avec lucidité : « Au fond, m’avoir opéré est pour vous une mauvaise affaire. Si je guéris, personne ne se rappellera que c’est vous qui m’avez opéré et si je meurs, tout le monde dira que vous m’avez assassiné ».

Au moment où l’on parlait beaucoup de la prostatectomie de Raymond Poincaré, Georges Clemenceau en parle ainsi à son ami Martet : « Moi j’ai eu ça. Je n’ai pas fait tant d’histoires. On me l’a enlevée en deux temps, trois mouvements. C’est Gosset, ce bon Gosset qui m’a opéré. Il y avait là aussi un espagnol. Jamais il n’avait vu pareille boucherie : du sang, du sang partout. Ils m’ont enlevé tout ce qu’ils ont pu ! ».

Un député de Paris, Pugliesi Conti, lui avait reproché de s’être fait opéré dans une clinique tenue par des Bonnes Sœurs. Clemenceau lui avait aussitôt répondu : « Lors donc que mon docteur me demande d’entrer dans la maison où il faisait ses opérations, ce qui devait lui permettre de me voir, sans dérangement pour lui, aussi souvent qu’il était nécessaire, je récapitulai brièvement mes souvenirs et je considérais que j’étais de taille à me défendre contre les tentatives de conversion auxquelles j’allais m’exposer… Ajouterai-je que j’ai trouvé là des femmes excellentes qui n’ont eu que le tort de me traiter en enfant gâté ! J’ai le plaisir à leur témoigner ici toute ma reconnaissance. Nous avons causé de toutes choses, très librement, sans jamais qu’il put naître entre nous le soupçon d’une offense et, peut-être, les uns et les autres, y avons-nous gagné un esprit de tolérance et de bonne volonté envers ceux qui ont d’autres opinions que les nôtres. Elles n’ont pas changé, moi non plus… ».

A un sénateur qui s’inquiète hypocritement de ses mictions, Clemenceau répondra : « Ouvrez la fenêtre, je vais pisser sur la tête des passants et vous verrez ».

Il aimait la compagnie des médecins dont il se moquait souvent. Ainsi, il fut élu en 1918 membre de l’Académie de Médecine. « Il y a là, disait-il, des médecins, des pharmaciens, des chimistes, des hygiénistes, des vétérinaires ; je ne suis rien de tout cela, ah ! si, j’y représente les malades, c’est le groupe le plus important ».

Son ami Martet racontait qu’après une consultation au cours de laquelle les médecins le soignaient et l’avaient longuement examiné, on lui prescrivit entre autres choses de l’eau avec quelques gouttes de citron. Alors Clemenceau se tournant vers eux : « Et vous vous êtes mis à quatre pour trouver ça ! ».

Un jour, alors qu’il se reposait à la campagne, Clemenceau fut pris d’un malaise. Martet lui demandant s’il connaissait un médecin dans la région, Clemenceau lui répondit : « Il y en avait un dans le temps qui n’était pas mal. Il ne savait jamais quoi donner… Il ne connaissait ni les maladies, ni les remèdes. C’est une très sérieuse garantie ».

A deux reprises, dans la vie politique, Clemenceau fit allusion à la prostate à un sous-secrétaire d’Etat qui se faisait prier pour démissionner : « Ma prostate m’avait bien rendu de grands services pendant soixante-cinq ans et je m’en suis séparé tout de même », et après son échec à l’élection présidentielle : « la vie m’a appris qu’il y a deux choses dont on peut parfaitement se passer, la prostate et la présidence de la République ».

Dr. Bruno HALIOUA

Pour en savoir plus : L’Histoire de la médecine pour les Nuls (Bruno Halioua, Editions First)