Sommeil et démence : ce que révèle la science sur le lien entre le sommeil profond et le risque de troubles cognitifs
Le sommeil est souvent négligé, pourtant il joue un rôle clé dans notre santé. Une étude récente, menée dans le cadre de la célèbre Framingham Heart Study, vient de mettre en lumière une donnée préoccupante : chez les personnes de plus de 60 ans, une perte de seulement 1 % de sommeil profond par an augmente le risque de démence de 27 %. Alors, faut-il revoir nos nuits pour protéger notre cerveau ?
Qu’est-ce que le sommeil profond et pourquoi est-il crucial ?
Le sommeil profond, aussi appelé sommeil à ondes lentes, est une phase clé de notre cycle de sommeil. Pendant cette étape, notre corps se met en mode « réparation » : le rythme cardiaque ralentit, la tension artérielle diminue, et surtout, le cerveau fait son grand ménage. C’est à ce moment-là que les déchets métaboliques, comme les protéines bêta-amyloïdes impliquées dans la maladie d’Alzheimer, sont éliminés. Si cette phase est perturbée ou insuffisante, ces toxines s’accumulent, augmentant potentiellement le risque de troubles neurodégénératifs.
Une étude alarmante
Entre 1995 et 2003, les chercheurs ont analysé les habitudes de sommeil de 346 participants âgés de plus de 60 ans. Ces volontaires, suivis sur près de 17 ans, ne présentaient aucun signe de démence au départ. En comparant deux études du sommeil réalisées à cinq ans d’intervalle, les scientifiques ont identifié une corrélation frappante : chaque perte d’un pourcentage de sommeil profond par an augmentait significativement le risque de démence, en particulier d’Alzheimer (+32 %).
Matthew Pase, l’un des auteurs de l’étude, explique : « Le sommeil profond soutient le cerveau vieillissant en facilitant l’élimination des protéines toxiques. Ces résultats suggèrent que la perte de sommeil profond est un facteur de risque modifiable pour la démence. »
Les impacts du manque de sommeil sur le cerveau
Avec l’âge, la quantité de sommeil profond diminue naturellement, notamment entre 60 et 80 ans, période où les troubles cognitifs commencent souvent à se manifester. En plus de l’accumulation des protéines bêta-amyloïdes, une autre protéine clé dans la maladie d’Alzheimer, appelée tau, s’installe dans des zones cérébrales responsables des cycles veille-sommeil. Résultat : ces dérèglements peuvent apparaître bien avant les premiers symptômes de perte de mémoire.
Par ailleurs, les troubles respiratoires du sommeil, comme l’apnée, sont également en ligne de mire. En privant le cerveau d’oxygène, ces pathologies favorisent l’inflammation et endommagent les cellules cérébrales. Une étude du Mayo Clinic Sleep Medicine Center souligne que même après avoir pris en compte d’autres facteurs de risque (obésité, diabète), l’apnée reste associée à une augmentation notable du risque de démence.
La somnolence diurne : un signal d’alerte
Une autre étude, portant sur plus de 18 500 personnes, s’est intéressée à la somnolence diurne excessive. Résultat : les personnes régulièrement somnolentes en journée ou peu enthousiastes face aux activités ont un risque trois fois plus élevé de développer un syndrome précurseur de démence, appelé MCR (motoric cognitive risk syndrome). Ces résultats soulignent l’importance d’identifier et de traiter les troubles du sommeil avant qu’ils n’affectent les capacités cognitives.
Que faire pour protéger son cerveau ?
Les experts sont unanimes : mieux vaut prévenir que guérir. Voici quelques pistes simples mais efficaces :
- Favoriser un sommeil de qualité : respectez une routine de sommeil et évitez les écrans avant de dormir.
- Traiter les troubles respiratoires : si vous souffrez d’apnée du sommeil, consultez un spécialiste.
- Adopter une hygiène de vie saine : une alimentation équilibrée, la pratique d’une activité physique régulière et la réduction du stress sont autant d’atouts pour préserver votre sommeil et votre cerveau.
- Dormir suffisamment, mais pas trop : une durée idéale de 7 à 8 heures par nuit est recommandée, notamment après 40 ans.
Un message d’espoir
Si le lien entre le sommeil profond et la démence est préoccupant, cette découverte ouvre aussi la voie à des actions préventives. Comme le rappelle le docteur Sudha Seshadri, directrice de l’Institut Glenn Biggs pour les maladies neurodégénératives : « La perte de sommeil seule ne provoque pas nécessairement la démence, mais elle en augmente clairement le risque. En agissant tôt sur nos habitudes, nous pourrions ralentir le déclin cognitif et améliorer notre qualité de vie. »
Alors, ce soir, mettez toutes les chances de votre côté : couchez-vous à l’heure, déconnectez-vous des écrans et laissez votre cerveau faire son grand nettoyage.
Dr. Jonathan TAÏEB