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Sonner du Shofar expose à un risque pour la santé

Depuis ma plus tendre enfance, je suis fasciné par le son du Shofar lors de Yom Kippour et de Rosh Hashana. Pour paraphraser Paul Verlaine, j’ai souvent l’impression, en écoutant le Shofar à la synagogue, que « Les sanglots longs du Shofar à Rosh Hashana bercent mon cœur d’une langueur monotone ».

Le shofar est considéré comme l’instrument à vent le plus ancien au monde. Il évoque le bélier que Abraham a sacrifié à la place de son fils Isaac. Le Shofar a longtemps servi à donner l’alerte en cas de danger, à appeler à l’aide, mais aussi à galvaniser les troupes. On se souvient notamment de son utilisation par les Hébreux pour faire tomber les murailles de Jéricho lors de la conquête du pays de Canaan par Josué.

Pendant Rosh Hashana, nous écoutons le Shofar, dont les sons font écho aux pleurs de la mère de Sisera, qui pleurait la mort de son fils au combat contre Déborah et Barak, comme relaté dans le Livre des Juges. Il est important de noter que souffler le Shofar lors des grandes fêtes juives n’est pas aussi simple qu’il n’y paraît. Cela requiert un savoir-faire et un apprentissage approfondi pour produire les quatre sons distincts dans un ordre précis (Tekia : le son long, Shevarim : le son court, Téroua : 9 sons saccadés, et Tékia guédola : son majeur, long et continu).

Pour souffler correctement dans le Shofar, il est nécessaire d’apprendre à augmenter considérablement la pression à la fois dans la bouche et dans l’abdomen puis à expirer de manière uniforme tout en contractant les lèvres et les muscles du visage afin de maintenir une pression suffisante pour donner le son souhaité. Voilà pourquoi j’admire la performance des rabbins et des ministres quand ils sonnent le shofar à la fin de l’office sans exprimer le moindre signe de fatigue. Je n’ai que du mépris pour les snipers de synagogue qui se permettent de critiquer le son du souffleur de shofar. Personne ne le sait, mais l’effort nécessaire pour souffler dans un shofar est équivalent à celui de soulever un poids de 20 kg !!!

Sonner du shofar a pour conséquence d’entrainer une hyperpression abdominales qui expose à des risques qu’il est important de connaitre. Il a été rapporté spécifiquement après la sonnerie du shofar la survenue d’un emphysème sous-cutané dans le Journal of American Medical Association (JAMA 1983 ;250(18) :2469-2470). Il s’agissait d’un jeune homme de 17 ans qui avait ressenti une douleur notable au cou et des difficultés à avaler immédiatement après avoir soufflé dans le Shofar. Une radiographie du thorax et du cou avait révélé un emphysème significatif. Cette affection pulmonaire grave était consécutive à  une perforation des voies respiratoires sous l’effet de la pression dégagé lors de l’expiration. Cela s’explique en grande partie par le manque de développement musculaire buccal et  l’inexpérience du souffleur chez cet adolescent.

L’emphysème sous-cutané est une affection couramment observée chez les joueurs de clairon et de trompette, ce qui montre que souffler dans un instrument à vent comporte des risques. D’ailleurs il a été rapporté des problèmes médicaux graves chez des joueurs d’instrument à vent en rapport avec l’hyperpression abdominale qui sont rares mais qui méritent d’être signalés. Il a été signalé la survenue d’hémorroïdes ou d’hernies ombilicales ou inguinales (Vosk,  A. Med. Probl. Perform. Art., 24, 97-98.2009). De manière plus extrême, il a été rapporté chez des trompettistes des hémorragies cérébrales, des dissections ou des ruptures d’anévrismes lié à l’hyperpression intracranienne. Par ailleurs, il a été noté une augmentation de la pression intraoculaire (PIO), principal facteur de risque du glaucome, chez les musiciens pratiquant un instrument à vent (de Crom RMPCJ Glaucoma. 2017 Oct;26(10):923-928).

Pour éviter que les sonneurs de shofar ne terminent la journée de Rosh Hashana ou de Yom Kippour à l’hôpital, il est conseiller de s’entrainer à souffler du shofar tranquillement et sereinement à son domicile. Il convient de faire des exercice afin d’apprendre à inspirer et expirer de l’air de façon à maitriser le souffle qui permettra d’émettre le meilleur son possible. Il y a un moyen simple qui consiste à placer les deux mains autour de la taille pour contrôler que l’abdomen se gonfle à chaque inspiration rapide et se détende à chaque expiration, c’est-à-dire que le ventre rentre progressivement. Il est conseillé de faire des exercices avec la bouche et les lèvres de façon à ce qu’elles puissent être suffisamment fermes pour être plaquer contre l’embouchure du shofar et pour ne pas laisser passer de l’air lorsqu’on souffle dans le shofar.

En conclusion, pour ne pas gâcher les fêtes de Tichri, ne laissez pas un enfant ou un adolescent manipuler un Shofar. Mais surtout rappeler autours de vous que la  pratique de souffler le shofar n’est pas conseillé chez les personnes souffrant de glaucome, de hémorroïde, d’hernie ou ayant des problèmes cardio-vasculaires et respiratoires sévères.

Dr. Bruno HALIOUA