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Réforme judiciaire en Israël : une nouvelle étape

Radio J. 13 juillet 2023

Un Iran de plus en plus dangereux, des disparités économiques, sociales et géographiques internes, une question palestinienne revenue sur le devant de la scène, les défis ne manquent pas au gouvernement israélien.

Pourtant,  l’observateur extérieur effaré n’entend depuis six mois qu’un seul sujet, voit une population divisée comme elle ne l’a jamais été et des conséquences internationales graves. Nul doute que les ennemis d’Israël se délectent du spectacle. Il y a pourtant dans le pays un consensus sécuritaire large dont l’armée reste le garant heureusement impavide. Plus encore, l’immense majorité de la population se souciait comme d’une guigne de réformer la Cour suprême. Seuls Yair Levine et Simha Rothman, aujourd’hui ministre de la justice et président de la commission des lois, ne pouvaient pas en dormir. Leurs obsessions sont aujourd’hui celles de la moitié du pays.

L’essai de médiation du Président Herzog a échoué, chaque camp en accuse l’autre et ce 10 juillet la Knesset a voté la proposition de loi réduisant les motifs de déraisonnabilité sur lesquels la Cour Suprême peut s’appuyer pour refuser une loi ou une nomination. Le texte sera modifié au cours des deux autres lectures légales très prochaines, mais on ne sait pas ce qu’il en sera des autres éléments de la réforme, notamment sur le mode de nomination des juges et sur la clause de contournement (piskat hitgaberout), qui si elle permettait à une majorité de seulement 61 députés de passer par-dessus les avis de la Cour, signerait la fin de tout contrôle judiciaire effectif… Aucune des 64 voix n’a manqué au gouvernement, alors que certains membres du Likoud sont notoirement réticents à la réforme. Il fallait montrer qu’on appartenait à une équipe et pas à l’autre. Mais la politique n’est pas un match de football… Certains, comme Ehud Barak, prétendent qu’Israël entre en dictature et d’autres, comme Benjamin Netanyahu, que la démocratie est renforcée. Les deux déclarations sont aussi « déraisonnables » l’une que l’autre.

La démocratie ce n’est pas uniquement la loi de la majorité. Bien des dictatures ont joui d’une authentique majorité dans la population et n’en sont pas moins restées des dictatures ! Le contrôle juridique ne doit pas empêcher de mener une politique, il doit empêcher cette politique de violer certains principes qui forment le sacré d’une société non religieuse. Certains moquent ce sacré de pacotille et lui refusent toute consistance substantielle. Mais le sionisme, à commencer par ses pères historiques, n’a pas voulu faire de la loi religieuse la loi unique du pays. La grande majorité des Israéliens sont sur cette ligne, y compris ceux qui suivent la Torah dans leur comportement personnel. Ce sacré laïque parcourt la Constitution de la France comme celle des États Unis. Mais Ben Gourion n’ayant pas voulu de constitution, et pas uniquement pour ne pas froisser ses alliés religieux, on a procédé par étapes avec des lois dites fondamentales.

Quand en 1992, fut votée l’une de celles-ci sur la Dignité humaine, une sorte de Déclarations des Principes comme celle de 1789, le juge s’en est servi pour interférer avec les lois ultérieures. C’est  ce qu’on a appelé la révolution constitutionnelle. Son bilan est plus complexe que les caricatures qui en sont faites. La Cour n’a par exemple pas retoqué la loi sur le caractère juif de l’Etat d’Israël et ses décisions furent parfois attaquées par l’extrême gauche israélienne. Mais elle a souvent gêné les activistes des implantations…

C’est le juge Moshe Landau, présenté souvent comme l’antithèse de l’activiste Aharon Barak, qui, dès 1979, au nom d’un principe supérieur de propriété, avait demandé l’évacuation de l’implantation de Elon Moreh, près de Naplouse, établie sur des terres de propriété palestinienne avérée, en tenant compte du fait qu’elle n’avait pas pour les responsables militaires d’intérêt sécuritaire. Il ne devrait pas être difficile de trouver des modifications consensuelles dans le fonctionnement de la Cour, mais le démantèlement de la seule instance de contre pouvoir du pays entrainerait objectivement une grave atteinte au principe de séparation des pouvoirs. 

On ne peut pas qualifier de majoritaires les objectifs de certains des partis qui constituent la coalition actuelle, aussi bien l’extension de la dispense militaire pour les étudiants de Yechiva pour les partis ultra-orthodoxes, que la volonté de faire revenir Arye Deri  à un poste ministériel majeur, pour le Shas, ou, plus encore, l’agenda messianique pour Otzma Yehoudit et l’obsession d’une réforme judiciaire pour d’autres. Le jeu entre des arrangements réciproques qui peuvent être dangereux pour l’unité du pays ne doit pas être confondu avec la volonté de la majorité et cette dernière elle-même ne constitue pas le tout d’une démocratie au sens moderne du terme.

Le problème est que dans une coalition de ce type ce sont les plus déterminés et les plus extrémistes qui donnent le « la ». Au regard de l’histoire, la responsabilité de Benjamin Netanyahu est de rétablir l’unité du pays. On doit malgré tout espérer qu’il en prendra le chemin.

Dr. Richard PRASQUIER

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