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Le Poirier de David Ben Gourion

Tout commence le 20 septembre 1957…
Une journaliste, Tikvah Weinstock, et le photographe Paul Goldman du Maariv ont appris par une indiscrétion que Ben Gourion (qui n’est pas du tout sportif), a pris l’habitude de venir faire le poirier sur la plage qui fait face à l’Hôtel Ha-Sharon à Herzliya.
Ils guettent la scène avec impatience quand soudain ils voient de loin le Premier Ministre israélien, alors âgé de 70 ans, faire sa promenade matinale avec ses deux gardes du corps. Il semble plus alerte et moins vouté que d’habitude. Ce n’est un secret pour personne que le Premier Ministre israélien souffre depuis plusieurs années de douleurs dorsales aigües réfractaires à tous les traitements…
Sur les conseils de son ami, le Professeur de biophysique Aharon Katzir, il a fait appel à Moshé Feldenkrais qui a plusieurs casquettes car il est à la fois directeur du département d’électronique de Tsahal et concepteur d’une méthode de rééducation fonctionnelle innovante qui consiste à utiliser le mouvement corporel pour corriger les mauvaises postures.
Le fait que Ben Gourion fasse confiance à un « rebouteux » suscite beaucoup de jalousies et de controverses au sein de l’establishment médical israélien. Qu’importe ! Le « Vieux » ( comme les israéliens l’appellent avec affection) n’est pas du genre à écouter les ragots. Il s’obstine d’autant plus que Feldenkrais lui promet le premier jour où il le voit qu’il va le débarrasser de ses dorsalgies à condition de s’astreindre à une heure d’exercice quotidien avec lui.
Ben Gourion, qui a désormais confiance en Feldenkrais, lui demande de lui permettre de réaliser son rêve secret : faire le poirier. Un souhait qui s’explique en partie par l’intérêt de Ben Gourion pour le Bouddhisme. Les médecins sont formellement opposés à cette idée car Ben Gourion souffre d’hypertension artérielle « C’est de la folie !! Ce « Mishiguener » (dingue en yiddish) va entrainer la mort du Chef du Gouvernement !!! ».
Le 4 juillet 1957, Ben Gourion n’en fait qu’à sa tête et s’obstine à poursuivre son but. Il  note avec satisfaction dans son journal : « aujourd’hui, nous avons commencé les premières étapes de l’apprentissage du poirier. » Le 15 septembre 1957, Ben Gourion écrit à sa fille Ranana : « chaque jour je viens nager ici, et le sable moelleux de la plage se prête très bien au poirier. Feldenkrais est parti six semaines à Londres. Les derniers exercices qu’il a faits avec moi avaient trait au poirier. En sa présence, je n’ai jamais pu exécuter correctement cet équilibre. Ce n’est qu’ici que le mystère m’a livré ses secrets : comme je n’avais plus peur de tomber, je ne suis pas tombé. Et je suis arrivé à tenir en équilibre. Maintenant, je le fais même dans ma chambre d’hôtel. Sans peur de tomber ou de perdre l’équilibre ».
Le poirier de Ben Gourion a été immortaliser par cette célèbre photo. Ce dernier sait qu’il est en train de se faire photographier. Il se prête au jeu car il est fier de pouvoir montrer à tous qu’il n’est pas affaibli et qu’il est capable de se tenir sur la tête pendant quelques minutes.  n passant admiratif déclare que « Le Vieux » est merveilleux. Aussitôt sa femme (et sa principale fan) Paula se retourne et répond de manière péremptoire : « Le Vieux ? Quel Vieux ? ».
La photographie du poirier va faire le tour du monde. Moshé Feldenkrais va obtenir un succès planétaire avec sa méthode. David Ben Gourion, l’homme des 1291 mots de la déclaration de l’Etat d’Israël, déclarera à plusieurs reprises à ceux qui lui demandent avec ironie pourquoi il ne continue pas à faire le poirier au lieu de se tenir constamment debout: « Je dois me tenir debout pour que l’Etat d’Israël puisse se tenir debout ».

Dr. Bruno HALIOUA