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Réflexions sur le gouvernement israélien. Un bref voyage en Israël.

Je viens de passer une dizaine de jours en Israël pour la Bar Mitzva d’un petit-fils. Dans ce séjour centré sur Tel Aviv, les gens à qui j’ai parlé appartiennent à peu près tous au même milieu, et ont tous probablement voté de façon très proche, alors que la population israélienne, chacun le sait, est extrêmement fragmentée et que je n’aurais pas entendu les mêmes mots si je m’étais trouvé dans une Yechiva de Jerusalem, une implantation de Judée Samarie ou un village arabe de Galilée. Les conversations, très précieuses d’ailleurs, avec les chauffeurs de taxis, qui n’ont pas tous, loin de là et contrairement à la rumeur, les mêmes opinions extrémistes, ne suffisent pas pour que le visiteur puisse appréhender la diversité israélienne.

Cela dit, tous mes interlocuteurs ressentaient la situation politique comme de l’ordre du jamais vu et presque tous exprimaient une profonde inquiétude. Avec à la tête de la sécurité intérieure et de la police des frontières, un Itamar Ben Gvir, poly-inculpé, ancien disciple du rabbin Kahane et de Baruch Goldstein, aux Finances et à l’administration civile des territoires un Bezalel Smotrich théocratique et proclamant que le Shin Bet avait assassiné Isaac Rabin et une ministre, Mme Orit Strock, qui suggérait que les médecins pourraient, en raison de leurs convictions, refuser les soins à des patients LGBT, il y a vraiment quelque chose de changé dans le pays…. 

Il faut néanmoins distinguer les mots et les actes. L’une des premières décisions de Arye Deri, une des dernières aussi, car sa nomination a été invalidée par la Cour Suprême et Netanyahu a respecté cette décision, a été de signer un décret autorisant le recours aux mères porteuses par des couples homosexuels. Mme Strock a été critiquée de toutes parts, y compris par le Premier Ministre. Smotrich a laissé une bonne impression dans son précédent ministère des transports. Quant à Ben Gvir, il a mené une visite parfaitement légale sur cet endroit que beaucoup nomment « esplanade des Mosquées » et dont il a justement rappelé qu’il s’agissait du Mont du Temple. 

Il faut attendre pour savoir si l’armée, colonne vertébrale de l’Etat d’Israël, pourra exercer ses fonctions sans entraves dans les territoires, alors que le chef d’Etat Major sortant, le très populaire Aviv Kochavi, a déclaré que cela était incompatible avec une tutelle civile superposée à la tutelle militaire, et il reste à savoir si les droits des minorités, les droits des laïcs, les critères de l’Alya et les droits des Juifs non orthodoxes ne seront pas altérés.  

Le domaine judiciaire symbolise aujourd’hui les inquiétudes, y compris celles de nombreux électeurs traditionnels du Likoud. La proposition que la Knesset puisse annuler à la majorité simple de 61 voix une décision de la Cour Suprême  interpelle les Juifs du monde entier qui ne concevraient pas que cet Etat d’Israël qu’ils aiment si profondément ne soit pas un état démocratique. Ne nous payons pas de mots. Un Etat dont l’exécutif et le législatif déjà profondément intriqués entre eux, pourraient sauter aussi facilement et au hasard des coalitions électorales, par dessus une décision du judiciaire, n’est plus une démocratie.

Le domaine d’intervention de la Cour a été considérablement étendu depuis que le juge Aharon Barak a réorganisé il y a près de 40 ans, le jeu des pouvoirs en considérant que certaines lois dites fondamentales, énonçant des principes généraux, constituaient le squelette d’une constitution, et que la Cour Suprême pouvait casser des décisions législatives sur cette base. 

Dans ce pays sans Conseil d’Etat ni Cour de Cassation, la Cour suprême a un champ d’action particulièrement large. En a-t-elle abusé ? La Présidente de la Cour, Esther Hayut, a souligné que ses décisions n’avaient empiété le domaine législatif que de façon marginale et en général technique. Elles sont d’ailleurs loin d’avoir privilégié, comme on l’en accuse, la gauche caviar ashkénaze.

Les divergences sur les pouvoirs de la Cour Suprême ne sont pas un débat médiocre et la possibilité par le législatif d’outrepasser les décisions de celle-ci par un consensus fort, des deux tiers par exemple, ne soulèverait guère de protestations. Mais ce débat a été plombé par la situation judiciaire de Benjamin Netanyahu et aussi par l’idéologie de certains de ses amis, tels l’actuel Ministre de la Justice, Yariv Levin, qui sont obsédés par un soi-disant « gouvernement des juges ». 

Mais la loi d’un pays ne peut pas être uniquement la loi de la majorité. Les Juifs par leur histoire le savent mieux que d’autres et on peut faire confiance à la société civile israélienne pour le rappeler.

Je suis de ceux qui pensent que l’obsession de Benjamin Netanyahu n’est pas son procès, dont certains motifs d’inculpation étaient en train de s’effilocher, mais le danger que représente l’Iran pour la sécurité d’Israël.  Il mesure mieux que quiconque l’importance de la relation avec les États-Unis qui n’a plus, extérieurement du moins, le caractère limpide qu’elle avait à l’époque de Clinton, Bush junior ou Trump. Il connait mieux que d’autres l’importance de la diaspora juive américaine qui donne des signes de déconnexion et la nécessité d’un environnement démocratique pour que se poursuive l’exceptionnalité israélienne en matière scientifique. 

Dans ce pays, où la grande majorité de la population s’accorde en réalité, et c’est le paradoxe de la situation actuelle, sur des positions politiques sécuritaires, le Premier Ministre israélien a gagné son pari de retour au pouvoir. Il l’a fait au risque d’être lui-même marginalisé par ses partenaires messianiques. Mais Benjamin Netanyahu, quels que soient ses ressentiments envers ceux qui l’ont attaqué, pense à sa place dans l’Histoire. Je suis sûr qu’il n’aimera pas y laisser l’image de l’arroseur arrosé, ni celle du fossoyeur de la démocratie.

Dr. Richard PRASQUIER

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