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Les quatre héros juifs du Débarquement du 6 juin 1944

Dr Bruno HALIOUA
Président de l’AMIF, Membre de la Commission du Souvenir du CRIF

Plus de 4 000 des soldats ayant débarqué sur les plages de Normandie le jour J étaient juifs. Ils représentaient 4.2 % des soldats américains, 1 % des combattants britanniques et 1.5 % des forces canadiennes. Cette semaine, nous avons choisi de rendre hommage à quatre jeunes juifs dont les actions héroïques se sont particulièrement distinguées.

LE LIEUTENANT ROBERT HALPERIN : LE HEROS JUIF AMERICAIN DU D DAY

À l’aube du 6 juin 1944, dix soldats d’élite de la Naval Combat Demolition Units (NCDU) ont été débarqués de nuit pour sécuriser une plage du débarquement. Parmi eux, le lieutenant juif Robert Halperin de l’US Navy, né à Chicago en 1908, fils d’un Juif originaire de Kiev. Athlète accompli, Halperin avait joué au football américain à Notre Dame et à l’University of Wisconsin avant de devenir professionnel avec les Brooklyn Dodgers. Sa première action militaire remonte à novembre 1942 en Afrique du Nord à Port Lyautey, au Maroc, où il avait reçu la Navy Cross pour bravoure.
Affecté à la Force d’Assaut « U », le lieutenant Halperin jouait un rôle crucial en marquant les sites de débarquement pour les vagues d’infanterie. Selon Barrett Tillman, historien spécialisé dans les sujets navals, dans son ouvrage « Encyclopédie du débarquement » (2014), « Leur mission consistait à reconnaître les plages ennemies et à recueillir des informations sur la pente, la composition du sol et les défenses. La furtivité était leur plus grande arme, car ils n’avaient aucun moyen de défense contre les forces hostiles. » Grâce à Halperin, les bateaux ont pu éviter les bombardements alliés tout en esquivant les attaques ennemies, guidant efficacement les deux premières vagues depuis la zone de rassemblement jusqu’aux plages.
Le correspondant de guerre William H. Stoneman a salué l’expertise de Halperin, décrivant ses efforts comme « un travail complexe nécessitant autant d’intelligence que de courage… Il est incontestablement en train de devenir un héros en ce matin du Jour J, accomplissant une mission cruciale pour le succès de notre offensive, une tâche que peu voudraient entreprendre. »
Sa bravoure lui a valu une Étoile de bronze, avec une citation qui souligne : « Sous le commandement de Halperin, des troupes ont été extraites de bateaux inondés et amenées en sécurité sur les plages ; il a également sauvé deux hommes de la noyade grâce à son initiative remarquable et sa promptitude. » En 1945, Halperin a été honoré par une Silver Star pour son rôle de formateur de guérilleros en Chine contre les Japonais.
Après la guerre, Halperin a réussi dans les affaires et dans la voile de compétition, devenant médaillé olympique pour les États-Unis lors des Jeux de 1960 à Rome. Halperin est décédé le 8 mai 1985 à l’hôpital Eisenhower de Palm Springs. Il repose au cimetière national d’Arlington à Washington. Un monument en pierre, acier, granit noir et sable sera inauguré le jeudi 30 mai 2024 à Saint-Laurent-sur-Mer, en hommage à l’unité du lieutenant Robert Halperin.

MERVYN KERSH : LE HEROS JUIF BRITANNIQUE DU D DAY

Parmi les soldats britanniques du 17 Vehicle Company du Royal Army Ordnance Corps (RAOC), débarquant sur Gold Beach le jour J, se trouvait Mervyn Kersh, un jeune Juif de 21 ans. Embarqué la veille, Mervyn a eu la chance d’arriver alors que les défenses allemandes étaient encore désorganisées par l’ampleur de l’assaut allié, empêchant toute contre-attaque coordonnée. Il a débarqué à bord d’un Bren-Gun Carrier, un véhicule à chenilles.

« Nous avons atterri près de la plage et avons traversé les eaux peu profondes avant de remonter le sable sans même me mouiller les pieds. Au sommet de la rampe menant à Port-en-Bessin, les villageois nous acclamaient, nous offrant du vin et des fleurs alors que nous progressions lentement. » Malgré cette accueil chaleureux, la réalité du conflit s’imposait face aux tireurs d’élite allemands. « C’est là que j’ai pris conscience que c’était une guerre, pas une aventure. J’ai eu peur et j’ai lu mon Livre des Psaumes. »

Mervyn a ensuite combattu avec bravoure en Belgique, aux Pays-Bas et en Allemagne. Face aux prisonniers allemands, il affirmait son identité juive, déclarant « Ich bin eine Jude », défiant leur croyance selon laquelle les Juifs ne combattaient pas. En 1945, il a participé au sauvetage des déportés juifs du camp de Bergen-Belsen. « Nous étions au courant dès 1942 de ce qui se passait dans les camps d’extermination, les journaux en parlaient. J’étais donc peut-être plus déterminé que certains de mes camarades, qui se battaient sans vraiment savoir pourquoi. »

En reconnaissance de son service et de son engagement à partager son histoire, le Premier ministre Boris Johnson a écrit à Mervyn pour le remercier : « Vous avez vécu toutes ces expériences déchirantes dès votre plus jeune âge – et depuis lors, vous avez partagé votre histoire avec des milliers d’adolescents, les aidant à comprendre qu’ils vivent dans un pays libre, non pas par hasard ou par accident, mais grâce au combat et au sacrifice de votre génération…. Merci encore une fois et félicitations pour être devenu le 1368e point de lumière du Royaume-Uni ! » Mervyn a reçu la Légion d’Honneur en 2015.

Le 13 novembre 2023, exprimant ses inquiétudes au Daily Mail, il a déclaré craindre que « nous ne vivions à nouveau la même chose » suite à l’attaque décrite comme « lâche » du Hamas.

ROBERT LION : LE HEROS JUIF FRANÇAIS DU D DAY

Tout le monde connaît les 177 fusiliers marins de la France Libre, menés par le capitaine Philippe Kieffer, qui se sont distingués lors du débarquement de Normandie. Leur renommée découle de cet exploit militaire remarquable. Ils sont particulièrement célèbres pour avoir été les seuls militaires français à participer au débarquement le 6 juin 1944, débarquant précisément à 7h55 sur la plage Sword à Colleville-Montgomery. Rapidement, les commandos du capitaine Kieffer ont essuyé un feu nourri lors de leur progression vers le Pegasus Bridge à Bénouville.
Parmi eux figurait le docteur Robert Lion, médecin-capitaine (matricule : 55533T) et âgé de 35 ans, qui commandait la section sanitaire du bataillon. Reconnu pour son courage et son intrépidité, il était très apprécié de ses hommes. Alors qu’il mettait en place son poste de soins dans un cratère de bombe devant la villa « La Rafale » à Ouistreham, il fut mortellement touché au cœur par un sniper allemand, devenant ainsi l’un des premiers soldats français tombés le jour du D-Day.
Robert Lion avait précédemment été interne en chirurgie à l’hôpital de Villeneuve-Saint-Georges de 1933 à 1936. Passionné de psychiatrie, il avait défendu une thèse sur « La vie et l’œuvre de Sigmund Freud » à la faculté de médecine de Paris en 1935. Victime des lois antijuives, il avait rejoint la Résistance dès 1940, fuyant clandestinement vers l’Afrique du Nord pour rejoindre les Forces Françaises Libres. Après avoir été dénoncé comme juif et communiste, il fut emprisonné au camp d’Ifrane au Maroc pendant 21 mois, jusqu’à sa libération par les troupes américaines en mai 1943. Il rejoignit ensuite les forces du général de Gaulle à Londres, où le capitaine Kieffer lui confia la responsabilité de la section sanitaire du bataillon.
En hommage à son dévouement et à son sacrifice, la 27e session du certificat d’aptitude technique (CAT) de l’école des fusiliers marins de Lorient, qui s’est tenue du 1er juin au 19 novembre 2004, a été nommée en son honneur « Session Robert Lion ».

SAMUEL MOSES HURWITZ : LE HEROS JUIF CANADIEN DU D DAY

Moses est rapidement devenu une légende pour son héroïsme après le débarquement en France, en tant que membre des Canadian Grenadier Guards durant la bataille de Normandie en juillet 1944. Avant la guerre, Moe était un joueur de hockey exceptionnel qui avait refusé une carrière avec les Bruins de Boston, déclarant : « On n’a pas le temps de jouer au hockey alors que des millions de mes frères se font tuer en Europe. ». Le sergent Hurwitz s’est préparé pendant deux ans au Canada et a passé deux autres années au Royaume-Uni avant que son unité, rebaptisée plus tard le 22e Régiment blindé, ne participe à la bataille de Normandie. Ils ont été engagés dans l’offensive alliée du sud de Caen vers Falaise.
Le 4 août 1944, lors de la bataille de la route de Falaise, il a reçu la Médaille militaire pour avoir quitté la sécurité de son char d’assaut pour attaquer, seul avec une mitraillette Sten, des positions allemandes fortement fortifiées.
Le 12 septembre, à Philippine aux Pays-Bas, Moe a accompli un acte de bravoure exceptionnel qui lui a valu la Médaille de conduite distinguée : seul, armé seulement d’un pistolet, il a détruit deux mitrailleuses allemandes et un canon antichar de 88 mm, capturant également 23 soldats ennemis.
Tragiquement, Moe a été tué près de Bergen-op-Zoom en protégeant l’avancée de véhicules canadiens contre une attaque ennemie. Il avait 25 ans. Il reste le sous-officier le plus décoré des Canadian Grenadier Guards et l’un des soldats juifs les plus honorés de la Seconde Guerre mondiale. Il repose au cimetière de guerre canadien de Bergen-op-Zoom, aux Pays-Bas. Le major Ivan Phelan, un commandant des Canadian Grenadier Guards, a écrit cette épitaphe pour le journal du régiment : « Ce régiment a perdu l’un de ses plus grands hommes – un homme dont la force de caractère, les qualités de leader et la personnalité étaient si grandes qu’on ne l’oubliera jamais. »