Diabète : une épidémie mondiale qui explose depuis 1990
Le diabète, véritable fléau mondial, touche aujourd’hui plus de 800 millions d’adultes, soit quatre fois plus qu’en 1990, où l’on comptait environ 198 millions de cas. Une étude publiée dans The Lancet révèle une augmentation spectaculaire de la prévalence de la maladie, passant de 7 % à 14 % en à peine trois décennies. Cette situation met en lumière des défis majeurs en matière de prévention et de traitement, notamment dans les pays à faibles et moyens revenus.
L’Inde en première ligne
L’Inde, avec ses 212 millions de cas, représente à elle seule plus d’un quart des diabétiques mondiaux, devant la Chine (148 millions). Pire encore, près d’un tiers des personnes diabétiques en Inde ne bénéficient d’aucun traitement, ce qui souligne un problème criant d’accessibilité aux soins. Selon l’étude, 59 % des adultes de plus de 30 ans atteints de diabète ne reçoivent aucun traitement à l’échelle mondiale.
Le professeur Majid Ezzati, de l’Imperial College London, insiste sur les conséquences dramatiques de cette situation : « Sans traitement, les complications graves se multiplient : amputations, maladies cardiaques, insuffisance rénale, perte de la vue, et dans certains cas, des décès prématurés. »
Une inégalité criante dans les soins
Si les pays riches comme la Belgique affichent des taux de prise en charge très élevés (86 % pour les femmes et 77 % pour les hommes), la situation est bien différente dans les pays à revenus modestes. Par exemple, en Inde, seulement 28 % des femmes et 29 % des hommes reçoivent un traitement adéquat, contre 45 % et 41 % respectivement en Chine.
Cette inégalité est aggravée par l’augmentation rapide des cas de diabète dans les pays en développement, où l’urbanisation, la sédentarité et les régimes alimentaires déséquilibrés font des ravages. En Inde, la prévalence chez les femmes est passée de 11,9 % en 1990 à 23,7 % en 2022, et chez les hommes, de 11,3 % à 21,4 %.
Diabète et obésité : un duo explosif
Les chercheurs pointent l’obésité et les mauvaises habitudes alimentaires comme des facteurs clés de l’explosion du diabète de type 2. « Les changements biologiques liés à un excès de masse grasse augmentent fortement le risque de diabète », explique le Dr Ranjit Mohan Anjana, de la Madras Diabetes Research Foundation. Selon lui, la prévention doit passer par une alimentation équilibrée et une activité physique régulière, mais aussi par des politiques publiques ambitieuses :
- Subventions pour rendre les aliments sains plus abordables,
- Distribution gratuite de repas équilibrés dans les écoles,
- Promotion d’espaces publics sécurisés pour marcher et faire du sport.
Un appel à l’innovation dans le dépistage
L’un des grands défis mis en avant par l’étude est le sous-diagnostic du diabète, notamment dans des régions comme l’Asie du Sud. Les chercheurs préconisent des innovations pour améliorer le dépistage :
- Programmes de dépistage en entreprise et dans les communautés locales,
- Horaires de soins élargis pour s’adapter aux contraintes des travailleurs,
- Intégration des dépistages avec ceux d’autres maladies comme le VIH ou la tuberculose.
Le professeur Jean Claude Mbanya, de l’Université de Yaoundé 1 au Cameroun, souligne l’urgence de multiplier les initiatives locales : « La majorité des personnes atteintes de diabète non traité n’ont même pas été diagnostiquées. Un dépistage systématique est une priorité absolue. »
Des données inquiétantes mais une lueur d’espoir
Les chiffres impressionnent : entre 1990 et 2022, le diabète chez les hommes est passé de 6,8 % à 14,3 % et chez les femmes de 6,9 % à 13,9 %. Des augmentations spectaculaires ont été observées dans des pays comme le Pakistan, où la prévalence chez les femmes a bondi de 9 % à 30,9 %.
Pour autant, cette prise de conscience mondiale pourrait marquer un tournant. En combinant prévention, innovation et accessibilité, il est possible de freiner cette épidémie silencieuse.
Le diabète est souvent vu comme une maladie « gérable », mais cette étude nous rappelle qu’il s’agit d’une bombe à retardement pour la santé publique. La clé : agir dès maintenant, individuellement et collectivement, pour inverser la tendance. Un conseil simple pour commencer : mangez sainement, bougez plus, et faites-vous dépister régulièrement.
Dr. Jonathan TAÏEB