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Vision médicale sur l’interdiction de la circoncision en Islande

Par Jonathan TAIEB Médecin – Secrétaire Général de l’AMIF

A l’heure ou l’Islande discute d’un projet de loi sur la possibilité d’effectuer une circoncision qu’à partir du moment ou un garçon sera dans la mesure de comprendre ce que cet acte implique, il convient de s’interroger en tant que médecin juif sur les tenants et les aboutissants d’une telle loi qui pourrait voir le jour en France ; ou être un sujet d’inspiration dans le reste de l’Europe.

Il y a quelques années, l’Allemagne s’était déjà saisie de la question et à la suite d’un débat public, le parlement avait adopté une loi mettant un terme à cette éventuelle interdiction. Le code civil allemand dispose donc « le consentement concernant la circoncision d’un enfant masculin effectuée selon les règles d’art de la médecine, appartient à la décision des parents qui agissent pour le bien être de cet enfant. Cette opération peut être effectuée par un individu non médecin mais ayant les mêmes qualités d’un médecin ». Cette disposition vise notamment les imams et les mohels. Dans le même courant une disposition a été insérée dans le code pénal concernant l’interdiction de l’excision, mutilation génitale féminine. Le débat sur l’excision exclue clairement et sans détour cette pratique étrangère au judaïsme.

La circoncision est une chirurgie, une intrusion dans l’intégrité physique d’un individu âgé de 8 jours qui ne dispose pas de consentement.

L’ablation du prépuce sur le nourrisson constitue en tant que telle une opération chirurgicale irréversible. Ce pacte entre dieu et l’homme semble davantage subi que consenti.

Alors que l’enfant est soumis à l’autorité des parents, les questions juridiques, éthiques et médicales qui se posent ici concernent le droit des parents à consentir à une telle opération pour leur enfant.

L’objectif suprême, le but ultime, de mon rôle de médecin est de chercher le bien-être de l’enfant. Mais ce rôle est conditionné par le droit, qui m’autorise à pratiquer une telle opération. Nous sommes donc à la recherche d’un point d’équilibre entre le bien-être de l’enfant, une altération chirurgicale irréversible et l’exercice d’une pratique religieuse ayant pour principe protecteur la liberté de croyance.

A ce débat au confluent de la médecine et du droit, nous devons apporter une réponse thérapeutique et juridique afin de préserver cette pratique pluri millénaires gage de notre identité.

Le conflit entre autorité parentale et atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant

La circoncision est un marqueur physique de l’enfant mâle au peuple d’Israël. Pratique héritée de l’alliance d’Abraham avec Dieu, tous les enfants juifs à l’âge de 8 jours se voient circoncire marquant leur appartenant à l’assemblée d’Israël.

Le consentement à cette opération est donné par les parents en vertu de l’autorité parentale dont il dispose. En effet un enfant de 8 jours ne disposent pas de cette capacité à consentir. Le consentement s’incarne donc dans la volonté des parents d’intégrer leur enfant dans la communauté d’Israël selon l’héritage de notre patriarche Abraham. Cette autorité parentale a pour objectif suprême le bien-être de l’enfant. Ce bien être de l’enfant s’exprime dans la liberté de personnalité, laissant l’enfant s’épanouir selon ce qu’il est. Ainsi la circoncision est une intrusion corporelle possible si l’enfant peut trouver sa personnalité, son identité.

D’un point de vue médical, la circoncision a des avantages hygiéniques et participent à la lutte contre les maladies sexuellement transmissibles. En effet, l’ablation du prépuce permet de limiter de manière efficace à la propagation de MST.

Par ailleurs, l’Organisation mondiale de la santé depuis 2007, suggère aux États durement touchés par le VIH la mise en place de programme de circoncision volontaire. La circoncision devient un outil de prévention dans la lutte contre le VIH. En cas d’adoption d’une loi prohibant la circoncision enfantine, nous nous retrouverions dans une situation cocasse dans laquelle nous interdirons chez nous ce que nous encouragerions chez autrui. Ce serait un déni profond de la transmissibilité virale de ce type de maladie que de penser qu’elles se limiteraient à des frontières ou des nationalités, ces maladies s’intègrent dans la biologie de l’humanité tout entière et la circoncision est une méthode préventive efficace.

Au-delà de l’aspect préventif, la question de l’autorité des parents sur le corps de l’enfant reste une question épineuse. En tant que médecin, on pourrait considérer cette atteinte irréversible à l’intégrité physique de l’enfant similaire à une opération des amygdales. En effet, l’amygdalectomie est une pratique courante qui consiste à une ablation des organes lymphatiques de la gorge afin de soigner au mieux les inflammations des voies respiratoires. A l’instar de la circoncision, l’ablation des amygdales est une intervention chirurgicale irréversible sur le corps de l’enfant et pourtant cette pratique n’est pas remise en cause en raison du consentement mais pour des considérations d’efficacité médicale. En conclusion, une pratique qui fait ces preuves en termes de prévention dans la lutte contre les MST serait remise en question au nom de l’intégrité corporelle de l’enfant et non celle de l’amygdalectomie qui est sujet encore aujourd’hui à débat.

Si l’Islande devait suivre son raisonnement jusqu’au bout, elle interdirait toutes interventions chirurgicales irréversibles sur le corps de l’enfant même celles dont l’efficacité n’est plus à démontrer.

Le conflit entre la liberté de culte et l’atteinte à l’intégrité corporelle de l’enfant.

Une interdiction de la circoncision porterait une atteinte certaine à la liberté de culte. En effet, cette pratique religieuse a pour objectif de faire rentrer l’enfant dans une communauté religieuse. Cette communauté est une partie de son identité, elle lui rappelle sans cesse les valeurs du judaïsme et l’alliance entre dieu et Abraham et donc entre D.ieu et lui.

Plus précisément, il est écrit dans la paracha Lekh Lekha : « Voici le pacte que vous observerez, qui est entre moi et vous, jusqu’à ta dernière postérité : circoncire tout mâle d’entre vous. Vous retrancherez la chair de votre excroissance, et ce sera un symbole d’alliance entre moi et vous. A l’âge de huit jours, que tout mâle, dans vos générations, soit circoncis par vous ». Ce commandement de dieu est à lui seul le premier et le dernier symbole de l’identité juive et il serait inconcevable de la préserver en occultant cette pratique. Cette idée est elle-même rapporté par le philosophe Baruch Spinoza dans son traité théologico-politique : « Le signe de la circoncision me paraît ici d’une telle conséquence que je le crois capable d’être à lui tout seul le principe de la conservation du peuple juif ».

De plus, la loi française reconnaît aux parents un droit à l’éducation sur le fondement de l’autorité parentale. Ce droit à l’éducation comporte en lui une multitude de facette dont celle de l’éducation religieuse. Les parents sont donc garant de l’éducation de leur enfant dans la confession qu’ils décident, tant qu’ils ne compromettent pas la santé, la sécurité, la moralité de leur enfant.

Ainsi, l’éducation religieuse est un droit fondamental qui s’inscrit dans le bien-être et l’épanouissement de l’enfant. Alors bien que la circoncision de l’enfant soit une atteinte à son intégrité corporelle, elle se fonde sur le droit à l’éducation qu’exerce ces parents.

En conclusion à cette question d’interdire la circoncision, le droit comme la médecine apporte aux parents la garantie de perpétrer cette pratique ancestrale en raison du droit à l’éducation, à la transmission religieuse dont disposent les parents mais également en raison des bienfaits thérapeutiques et hygiénique de l’ablation du prépuce dès le plus jeune âge.