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Un rapport orienté

Le 22 Août, l’Integrated Food Security Phase Classification (IPC,) une instance soutenue par l’ONU et considérée comme l’autorité en matière de crises alimentaires,  a déclaré la famine à Gaza – plus précisément dans la ville de Gaza et pas dans les autres districts du territoire, mais personne ne s’encombre de ces nuances.

J’ai été ébranlé. Autant l’accusation de génocide contre Israël m’a paru à l’évidence une machination sordide, autant la menace d’une famine à Gaza, brandie dès les premiers jours de l’offensive israélienne et répétée avec obstination par M. Guteres, secrétaire général de l’ONU, était plausible car Israël avait pendant 78 jours, entre le 2 mars et le 19 mai, bloqué toute entrée de nourriture, eau, carburant et médicaments dans la bande de Gaza. 

Il convient de rappeler ce passé récent. N’oublions pas que c’était à la suite du refus du Hamas de prolonger un cessez-le-feu qui, depuis janvier, avait permis de libérer 33 otages vivants. Les images de ces otages en face d’une foule surexcitée et nullement dénutrie nous avaient alors profondément choqués.

Israël a élaboré avec l’aide des Etats Unis un mécanisme de distribution nouveau, organisé par une Fondation Humanitaire de Gaza, la FHG, une entité philanthropique mais faisant appel à des sous-traitants logistiques et sécuritaires privés. Cet organisme a commencé de fonctionner à la fin mai, dans quatre centres de distribution situés au sud de l’enclave, avec des difficultés de mise en place, des erreurs opérationnelles, des limitations géographiques, des contraintes sécuritaires, des mouvements de foule, des provocations de la part du Hamas et des morts…

Ce système de distribution alimentaire, pour la première fois depuis que l’ONU existe, ne faisait appel à aucune ONG classique, et en particulier pas à l’UNWRA dont la complicité avec le Hamas avait été avérée.

Il a donc suscité une violente hostilité de ces ONG qui ont dénoncé ses limitations topographiques, car il  ne couvrait pratiquement que le sud de l’enclave, son amateurisme, son caractère  commercial, ses portions soi-disant inadaptées et plus encore les dangers qu’il faisait courir aux Gazaouis qui s’y rendaient. Un rapport de Médecins sans Frontières du 7 Août a été jusqu’à accuser  le FHG d’organiser des tueries. Un indice, en passant, de la dérive d’une organisation qui fut glorieuse dans le passé….

Mais le FHG diabolisé s’est amélioré, a délivré jusqu’à aujourd’hui 140 millions de repas de 2000 calories chacun à la population de Gaza;  de ce fait les prix sur les marchés se  sont effondrés et le Hamas, qui stockait des ressources provenant du vol des cargaisons, se voit privé d’un trafic très juteux. M.Tom Fletcher, le coordinateur des secours d’urgence de l’ONU, l’homme qui déclarait à la BBC au mois de mai que 14 000 bébés allaient mourir à Gaza dans les 48 heures, avait eu beau prétendre dans le passé que toute les livraisons organisées par l’UNWRA arrivaient à destination, l’ONU a récemment reconnu que 95% d’entre elles étaient pillées… Il est scandaleux que  le contenu de 950 camions pourrisse à Zikim et à Keren Shalom, sous le prétexte faisandé que l’armée israélienne ne fournit pas les garanties  nécessaires.

Je n’ai pas cru aux photos terribles que certains journaux, du Daily Mirror au New York Times à Libération, ont publiées sans vergogne, montrant des enfants squelettiques dont on a appris qu’ils étaient porteurs de maladies congénitales. La présence près d’eux d’adultes ou d’enfants bien portants révélait la supercherie. Mais comment crier à la conspiration anti-israélienne quand tant de témoignages crédibles montraient l’existence de dénutrition chez certains Gazaouis?

Le rapport qu’a commis à ce sujet le Comité scientifique de l’IPC a eu un effet dévastateur pour Israël.  Le secrétariat général de l’ONU et ses services ont immédiatement imputé à Israël l’entière responsabilité de cette famine, une analyse largement reprise, y compris par notre Président de la République. Il devenait indécent de rappeler que si le Hamas avait accepté de rendre les otages qu’il avait enlevés et dont la récente vidéo de deux d’entre eux montrait les stigmates d’une dénutrition extrême, la question de la famine des gazaouis ne se serait pas posée. 

Quant au rapport lui-même, deux de ses six auteurs ont un vrai palmarès anti-israélien: Andrew Seale avait écrit que Israël était né de la destruction de l’Etat de Palestine par des insurgés juifs et soutient aujourd’hui  les attaques des Houthis. Quant à Zeina Jamaluddin, qui vient comme par hasard d’être incorporée au Comité, elle avait écrit dans un article  controversé que les statistiques du Hamas sous-estimaient le nombre d’enfants gazaouis qui mouraient de faim, un élément crucial dans la définition de famine. Pour le choix de personnes  neutres, on aurait pu faire mieux…

Quelques remarques sur les éléments techniques du rapport: le critère essentiel  est le périmètre brachial des enfants de moins de 5 ans: en gros, moins de 12,5 cm c’est une dénutrition, moins de 11,5cm, c’est la famine. Une mesure simple, classique mais peu précise, qui est fournie par les correspondants du comité, c’est à dire des personnels travaillant dans des centres de santé. Les chiffres sont extrapolés à partir d’enfants amenés dans ces centres alors que ceux-ci sont par définition en moins bonne santé que les enfants qui n’y vont pas. De plus, il  faut supposer que la mesure a été faite de façon non biaisée. La situation est très différente d’un foyer de famine comme le Soudan où les professionnels sont sur place, ont accès à la population et peuvent fournir des résultats plus robustes.

Malgré ces limitations, le rapport a eu un retentissement massif, car le nom «Nations Unies» charrie  le fantasme d’un monde de vérité, de science et d’humanité. Rien n’est moins vrai aujourd’hui. Il suffit de rappeler avec quel acharnement les responsables de l’ONU ont crié à la famine imminente dès l’automne 2023, puis le rapport de juillet 2024 de la même IPC qui concluait à une famine inéluctable alors que les mois suivants montrèrent une amélioration notable.

Que peut-on en conclure? Qu’il y a des gazaouis, ceux  dont les moyens physiques,  familiaux et financiers sont limités, qui ne bénéficient pas de liens avec le Hamas et qui habitent loin des centres de distribution, qui souffrent de dénutrition grave. Certains, en particulier des enfants, en sont morts. Leur nombre est limité, mais la fixation du regard sur cette population, alors qu’aucun intérêt n’est porté à la situation alimentaire au Soudan ou au Yemen, interroge. 

Pour beaucoup d’Israéliens, de droite comme de gauche, l’appui porté par la population de Gaza  au génocide du 7 octobre oblitère des sentiments d’empathie, au moins tant que les otages ne sont pas revenus. Car dans le drame nutritionnel des gazaouis, où Israël aurait peut-être pu faire plus ou plus vite, mais qu’il essaie de résoudre, ce que bien peu de belligérants ont fait dans l’histoire, il existe un coupable essentiel, et c’est le Hamas…

Dr. Richard PRASQUIER

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