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La rafle du Vel d’Hiv

Dans les six semaines entre la rafle du Vel d’Hiv et le 1er septembre 1942, environ 20 000 Juifs furent déportés dont moins de 1% sont revenus. Les trains ont transféré, séparés de leurs parents, environ 3 800 enfants à Auschwitz : ils ont tous, sans exception, été gazés à leur arrivée. Ces enfants étaient presque tous des citoyens français. 

Plus de 13 000 personnes sont arrêtées dans Paris et sa banlieue le 16 juillet et la demi-journée du 17 juillet 1942, 1/6ème des victimes de la Shoah en France. Elles n’ont rencontré aucun allemand. La rafle du Vel d’Hiv a été effectuée par les agents de la Préfecture de Police de Paris : deux ans plus tard, ils seront les héros de la libération de Paris et l’histoire sera revisitée à l’aune de ce fait glorieux. 

Bien sûr, la demande provient des Allemands. Mais le gouvernement français est trop heureux de montrer sa bonne volonté et son efficacité technique, à faire valoir dans l’Europe nazie du futur. Il accepte de livrer 40 000 Juifs dont 30 000 de zone occupée. Il aurait pu, il aurait dû, laisser les Allemands faire la rafle, avec leurs forces peu nombreuses, les conséquences eussent été beaucoup plus limitées. Mais il a sauté sur l’occasion…

Vichy demande à ses interlocuteurs nazis de se limiter aux Juifs étrangers et d’inclure les enfants : quand il obtient gain de cause, il se félicite de son efficacité de négociateur. Les conditions terribles de détention au Vel d’Hiv et à Drancy témoignent de son impréparation logistique, mais ce n’est pas grave, ce ne sont que des Juifs…

La rafle du Vel d’Hiv fut le jour le plus noir de la guerre en France et la déportation des enfants en est sa facette la plus sinistre. Le livre de Laurent Joly ainsi que le film de David Korn Brzoza la décrivent à hauteur d’Homme, ou plutôt avec le temps qui passe, à hauteur d’enfant, et les témoignages sont enrichis par les archives nouvellement disponibles. Derrière les chiffres, il y a des êtres humains. 13 000, c’est 13 000 fois un plus un, plus un…

De même, il y a « des » policiers, « des » commissaires,  dont certains font du zèle et d’autres non, des spectateurs qui aident et d’autres qui profitent. Malheureusement, la propagande a eu des effets terribles et beaucoup acceptent le bobard suivant lequel toutes les difficultés du temps proviennent des Juifs.

Pour moi, la rafle du Vel d’Hiv n’évoquait rien. Il n’y en avait pas trace dans mes livres d’Histoire, je n’avais pas entendu de survivants en parler et les commémorations n’avaient pas de retentissement national, malgré l’admirable ténacité de Henri Bulawko et de ses amis. En 1967 le livre de Claude Levy et Paul Tillard, la « Grande rafle du Vel d’Hiv », a enfin fait parler les témoins devant un large public.

Mais c’était l’époque où La Tribune de l’Histoire de Alain Decaux et de André Castelot, un collaborationniste recyclé, dominait l’histoire grand public et prétendait que les arrestations avaient été effectuées par les Allemands. C’était l’époque où un Président de la République, Georges Pompidou, voulait réconcilier entre eux des Français qui ne s’étaient pas aimés pendant la guerre et où un futur Président de la République, socialiste, un peu pétainiste mais résistant et philosémite, était lié d’amitié avec le très influent patron de la Dépêche du Midi, un certain René Bousquet, l’insubmersible ordure qui avait été l’architecte de la rafle du Vel d’Hiv, un homme qui savait comment ménager ses arrières et qui n’a jamais répondu de ses crimes.

Pendant longtemps, la persécution des Juifs n’avait été qu’un bas-côté de la grande histoire de la guerre. La France laissait prospérer Bousquet et Papon, et donnait la Légion d’Honneur à André Tulard, l’homme du fichier juif. Il a fallu le travail d’une nouvelle génération d’historiens et de combattants de la mémoire, parmi lesquels Serge Klarsfeld, pour arriver 53 ans après les faits à la déclaration de Jacques Chirac qui a réconcilié les Juifs et l’histoire française.

Cet acte politique fut prononcé lors d’une commémoration organisée par le Crif, en tant que représentant des organisations juives dans leur diversité. Cette semaine, la parole de l’Etat proviendra d’un Premier Ministre chez qui l’histoire des persécutions contre les Juifs est aussi une histoire familiale. 

Cependant, s’Il a fallu dans le passé lutter contre l’oubli, puis les abjections  du négationnisme, aujourd’hui, c’est aux sournoises tentatives d’amalgames que nous devons faire face. Le combat politique est loin d’être achevé.

Dr. Richard PRASQUIER

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