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Pour les yeux d’Elsa

Le vendredi 9 janvier 2015 restera à jamais marqué sous le sceau de l’horreur et de la tristesse. Nous avons ressenti la nouvelle comme un véritable électrochoc. Pas un de nous n’oubliera les noms et les visages de Yoav Hattab, Philippe Braham, Yohan Cohen, François-Michel Saada assassinés il y a trois ans à l’Hypercasher de Vincennes uniquement parce qu’ils étaient Juifs. Nous avons également été émus par l’assassinat des membres de la rédaction de Charlie Hebdo.

Parmi les victimes de la folie terroriste des frères Kouachi le nom d’une personne a retenu mon attention : Elsa Cayat. J’avoue que c’est en regardant sa photographie que je me suis souvenu d’elle. Je l’avais connu alors qu’elle était étudiante en médecine à la Faculté de Médecine Saint Antoine. Je me rappelle qu’il nous arrivait de discuter de temps en temps devant la machine à café de tout et de rien, des sujets insortables aux examens, du stage qu’il fallait éviter et de celui qu’il fallait faire. Je me souviens de ses yeux, de son rire communicatif, de sa démarche, de son humour et surtout de l’aura qu’elle dégageait quand elle rentrait dans la bibliothèque. Parmi les centaines d’étudiants qu’on croise au cours de ses études de médecine, on en oublie beaucoup, en revanche, on garde à jamais le souvenir de quelques-uns. Elsa Cayat faisait partie de ces gens qu’on n’oublie pas. Nos chemins ont pris des directions différentes. Je savais qu’elle était devenue psychiatre après avoir lu un article consacré au livre qu’elle avait écrit (Un homme + une femme = quoi ?) dans lequel elle s’interrogeait sur les fondements du couple.

Elsa est morte à 54 ans le 9 janvier 2015 alors qu’elle assistait à la conférence de rédaction de Charlie Hebdo. Corinne Rey, dessi¬na¬trice à Char¬lie Hebdo a rapporté que les frères Kouaci lui avaient déclaré qu’ils ne tuaient pas les femmes. Alors pourquoi ont-ils tué Elsa Cayat. A-t-elle été tuée parce qu’elle était juive ? C’est l’hypothèse qu’a évoquée sans certitude sa cousine, la productrice de cinéma Sophie Bramly dans son témoignage : « Je sais que les assassins ont demandé à leurs victimes de se lever et de décliner leur identité. Comme elle était juive, je ne peux m’empêcher de penser qu’elle a été tuée pour cette raison, et j’en éprouve des relents d’horreur ». Tragique destin que celui d’Elsa dont le Quotidien du Médecin du 22 janvier 2015 rappele qu’elle était « Juive laïque ». Sa tante, la romancière Jacqueline Raoul-Duval a dit qu’elle était « Profondément athée, elle avait une grande considération pour la culture juive, l’amour du livre ». Son ami cardiologue Alain Wajman a souligné le fait qu’« Elle avait les valeurs du judaïsme ». Nous autres Juifs, nous adorons apporté une note d’humour à chaque évènement tragique. Voilà pourquoi j’ai choisi pour terminer de vous livrer les témoignages à propos d’Elsa qui m’ont fait sourire et qu’elle aurait probablement adorés. Le Rabbin Delphine Horvilleur a rappelé le jour de son enterrement qu’Elsa « n’était ni Freudienne, ni Lacanienne. Elle était « Cayatienne », une école à part » tout en rappelant qu’« à l’heure qu’il est, Dieu est peut-être déjà sur le divan d’Elsa ». Mais surtout j’ai aimé le témoignage de son confère et ami, le docteur Alain Wajman que nous connaissons bien à l’AMIF qui a raconté qu’Elsa a refusé qu’il s’allonge dans son canapé de psychanalyste en lui expliquait qu’elle ne « prenait pas en charge les potes, surtout quand ils étaient des ashkénazes angoissés ».

Dr Bruno Halioua,
Président de l’AMIF