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Qu’ont pu ressentir les otages qui ont été isolés du monde extérieur dans l’obscurité ?

En regardant les images de la libération des otages israéliens, je me suis demandé comment ont t-ils pu rester confinés dans l’obscurité, sans aucune interaction sociale, tout en étant plongés dans la peur et la crainte pendant plus de 50 jours.

Nous savons tous depuis longtemps que l’isolement sans possibilité de voir la lumière du jour expose à d’innombrables effets sur le plan physique et psychique.

N’oublions pas que les êtres humains sont des créatures sociales. De nombreuses personnes ayant vécu dans des environnements isolés – comme les chercheurs en poste en Antarctique – rapportent que la solitude constitue le challenge le plus difficile à affronter. Yossi Ghinsberg, un aventurier et auteur israélien qui a survécu trois semaines seul en Amazonie en 1981, a déclaré que la solitude a constitué sa plus grande souffrance et qu’il s’était créé des amis imaginaires pour lui tenir compagnie (Jungle, A Harrowing True Story of Adventure, Danger and Survival).

Les personnes socialement isolées sont moins capables de faire face aux situations stressantes. Ils ont tendance également à être plus fréquemment déprimés et ils ont des difficultés à faire face aux situations compliquées avec pour conséquence des difficultés de prise de décision mais aussi des troubles de la mémoire. Elles souffrent fréquemment de crises d’anxiété et de crises de panique avec une tendance accrue à la paranoïa et une capacité moindre à raisonner clairement. Un manque de stimulus visuels et sensoriels provoque des hallucinations à cause d’un manque de stimulation cérébrale. Les personnes placées en situation d’isolement ont un risque plus important de contracter des maladies. Des études ont établi que le système immunitaire s’affaiblissait et que celui-ci luttait plus difficilement contre les maladies virales.

Les effets de l’isolement sont encore plus importants en cas d’obscurité totale, en raison de la modification du cycle de sommeil-veille qui s’explique par une altération de la sécrétion de mélatonine et par une action sur le noyau suprachiasmatique du cerveau. Ces troubles ont été mis en évidence chez les spéléologues dont le cycle veille-sommeil est perturbé. Cela signifie que l’heure à laquelle ils ont envie de s’endormir ne reste pas régulière et change chaque jour avec pour conséquence un risque de fatigue particulièrement important.

Natascha Kampusch – une jeune autrichienne kidnappée à l’âge de dix ans et retenue captive dans une cave pendant huit ans – a noté dans sa biographie que le manque de lumière et de contact humain l’avait affaibli mentalement. Elle a également rapporté que les heures et les journées interminables en isolement l’avaient rendu vulnérable aux ordres et aux manipulations de son ravisseur.

Même si les conséquences d’un isolement total peuvent être graves, la bonne nouvelle est que ces effets sont réversibles. L’exposition à la lumière du jour peut normalement corriger les habitudes veille-sommeil, même si cela peut prendre des semaines, voire des mois dans certains cas, avant de régulariser complètement le cycle du sommeil. Renouer avec d’autres personnes peut réduire le sentiment de solitude avec pour conséquence une bonne santé mentale et physique. Cependant, certaines personnes qui ont été maintenues en isolement social contre leur gré peuvent développer des problèmes de santé mentale à long terme,  notamment des trouble de stress post-traumatique (SSPT).

Mais certaines personnes qui ont été confrontées au défi d’être seules pendant une période prolongée peuvent faire preuve d’un épanouissement personnel – y compris un épanouissement émotionnel, un sentiment de plus grande proximité avec leur famille et leurs amis et une meilleure perspective sur la vie – grâce à leur expérience. Certains ont considéré que l’isolement leur avait donné une plus grande appréciation des gens et de la vie, une meilleure attention et une meilleure concentration, et une tendance à être plus heureux qu’avant. Nous souhaitons tous ardemment que les otages israéliens libérés auront ce type de sentiment.

Dr. Bruno HALIOUA