Journée nationale du souvenir des victimes et des héros de la déportation du 11 avril 2018
Allocution du Docteur Bruno Halioua
Président de l’AMIF
Mesdames, Messieurs, Chers Amis,
Ce jour de Yom Hashoah, est le jour de commémoration fixé par l’État d’Israël afin de rendre hommage aux 6 millions de Juifs victimes des Nazis et de leurs collaborateurs, au cours de la Seconde Guerre Mondiale.
Et c’est en ce jour particulier de mémoire et de recueillement, que nous nous retrouvons devant cette stèle, à l’initiative de l’AMIF, Association des Médecins Israélites de France, et plus particulièrement de son secrétaire Général, le Docteur Jonathan Taieb, ainsi que son adjoint le docteur Alexis Astruc avec la section santé de l’Union des Etudiants Juifs de France présidé par Jacques Kalifa. Cette année cette cérémonie prend une tournure particulière cette année avec l’assassinat il y a tout juste un mois de Mireille Knoll victime de l’antisémitisme comme l’été au cours de la dernière décennie : Ilan HALIMI Jonathan SANDLER Arieh SANDLER Gabriel SANDLER Myriam MONSONEGO Yoav HATTAB Yoan COHEN Michel SAADA Philippe BRAHAM et notre consoeur Sarah HALIMI. Cette succession de meurtres nous rappelle que la communauté juive est la cible privilégiée de ceux qui haïssent la République et ses valeurs »,
L’AMIF a été fondée en 1952 par un groupe de médecins survivants de la Shoah et en réaction aux exactions commises contre les médecins juifs ; elle est la plus ancienne et la plus pérenne des associations médicales juives de France et l’éthique et le devoir de mémoire sont inscrits dans ses statuts.
Et c’est dans cet esprit d’attachement à la mémoire et à sa transmission que nous nous sommes réunis, pour la quatrième fois, devant cette stèle où sont gravés les noms de ces médecins et étudiants en médecine, juifs et non juifs, morts pour la France ; morts pour leur Patrie qu’ils ont aimée et servie, dans tous les conflits : lors de la Grande Guerre de 14/18, lors des guerres d’Indochine et d’Algérie, lors de la seconde guerre mondiale. Et c’est avec un profond respect et une infinie reconnaissance que nous évoquons leur sacrifice et que nous nous inclinons devant ce monument élevé à leur gloire.
Aujourd’hui cependant, en ce jour de Yom Hashoah, notre hommage tient à évoquer le souvenir de ces médecins juifs et de ces étudiants en médecine juifs, assassinés pendant la seconde guerre mondiale parce que juifs.
Depuis plusieurs années ,nous avons voulu les sortir de l’oubli. Nous savons que chacun des noms qui vont être rappelés, était celui d’hommes et de femmes, de jeunes hommes et jeunes filles dans la promesse de leur jeunesse. Avant d’être emportés dans la tourmente, ces noms avaient un visage, ils avaient une histoire individuelle et singulière, mais surtout ils avaient en commun la médecine, ce choix de l’altérité, ce choix de l’autre dont ils souhaitaient au moins soulager la souffrance.
Ces médecins et ces étudiants en médecine juifs, morts parce que juifs ont été pris au piège d’une rafle ou encore détenus comme otages ou sinistrement dénoncés ; certains ont été fusillés par la Milice mais la plupart ont été déportés entre le 27 mars 1942 et le 11 août 1944. On a retrouvé leur date de naissance, le sujet de leur thèse, leur spécialité, leur mode d’exercice, la date de départ et le numéro des 78 convois qui, de Drancy, Lyon, Beaune-la-Rolande, Angers, Compiègne ou Pithiviers les ont conduits à Auschwitz, Birkenau, Buchenwald, Maïdanek, Sobibor ou Kaunas en Lituanie.
Qu’on se souvienne ! Sur les 76 000 Juifs déportés vers les camps de la mort, seuls 2500 ont survécu. Les autres, parmi lesquels 11 400 enfants, ne sont jamais revenus.
Dans l’enfer des camps où le mot humanité ne figurait pas au dictionnaire de la barbarie, certains de ces médecins, de ces étudiants en médecine juifs, ont tenté, quand ils l’ont pu, d’aider ou réconforter ceux dont ils partageaient la misère. Et c’est là, qu’un geste, une parole, une attention ont pu rendre un espoir, si minime fût-il, pour permettre de s’y appuyer et parfois survivre.
Ces victimes sans sépulture dont les noms sont sortis du néant qui les enfermait, font partie intégrante de la longue, trop longue liste des martyrs de notre peuple. Sans le savoir, ni le vouloir, ils sont entrés dans l’Histoire de la Médecine dont ils ont écrit, à leur corps défendant, une page tragique. Et le souvenir sacré de nos confrères et des étudiants qui étaient en voie de le devenir, nous impose d’accomplir au quotidien notre tâche avec encore plus de dévouement et encore plus de vigilance.
Mesdames Messieurs, Chers Amis, en rendant hommage à ces 201 médecins et étudiants en médecine, nos frères dans la foi juive et dans la profession, nous voulons signifier que nous ne les oublierons jamais. Nous ferons en sorte que cette cérémonie mémorielle tenue ici et en ce jour pour la première fois, puisse se perpétuer et, qu’au fil des ans, elle prenne sa place parmi les autres cérémonies commémoratives qui rappellent le souvenir de ces hommes et de ces femmes trop tôt disparus. Et ce vœu, me donne l’occasion de remercier très chaleureusement les autorités de la Faculté et de l’Université qui nous ont autorisés à organiser cette manifestation mémorielle et toutes les personnes ici présentes qui l’ont honoré de leur amitié. Je remercie également tous mes amis ici présent et en particulier deux personnes qui me sont chers les docteurs Richard Prasquier et Jean Jacques Avrane. Le docteur Joël Mergui fidèlement présent chaque année ne pourra pas se joindre à nous et m’a demandé de l’excuser.
Je vous remercie.