Le CRIF et son nouveau Président
Le 26 juin, Yonathan Arfi a été élu Président du Crif ; il prendra ses fonctions le mois prochain.
Ceux qui ont travaillé près de lui savent ses qualités humaines, ils connaissent sa compétence, ils apprécient son écoute et ils admirent la force et la continuité de son engagement communautaire qui l’a conduit de l’UEJF dont il a été le Président, à l’OSE et à l’Alliance, puis au Crif dont il est vice-président depuis 8 ans.
Ils savent aussi qu’à cet engagement, il faut associer son épouse Arielle, elle-même ancienne Présidente de l’UEJF et une tradition familiale d’excellence et de ténacité dont son grand oncle, le nageur d’Auschwitz Alfred Nakache, a été le modèle.
Le plus jeune Président du Crif est aussi l’un des mieux préparés à ses fonctions. Son concurrent, Ariel Amar, lui aussi militant très expérimenté, a réalisé un score remarquable malgré une candidature tardive. Il a salué avec élégance la victoire de son rival, point final d’une campagne qui a fait honneur au Crif, une institution que Francis Kalifat a dirigée avec application et dignité au cours de sa double mandature.
Le Crif n’a pas que des amis. Il est parfois vilipendé à l’extérieur de la communauté juive parce qu’il exercerait un pouvoir occulte et il est parfois critiqué à l’intérieur de cette communauté parce qu’il n’agirait pas avec assez d’efficacité. Cette dernière critique, qui ne date pas d’aujourd’hui, doit être à la base des améliorations nécessaires et les débats préélectoraux ont permis d’en évoquer certaines.
Les conditions qui ont amené à la création du Crif dans la dernière année de la guerre sont toujours valables aujourd’hui, à savoir la nécessité de représenter, à cette époque dans la clandestinité, l’ensemble des courants fragmentés qui avaient séparé les uns des autres des Juifs, pourtant en proie à un danger commun. Si le danger qui guette les Juifs de France n’a plus rien à voir avec celui de cette époque, dans un pays dont la législation contre l’antisémitisme est une des plus strictes qui soient, chacun sait que la proportion des Juifs agressés comme tels est sans commune mesure avec leur poids démographique, sans parler de ceux qui ont été assassinés uniquement parce qu’ils étaient Juifs.
Le Crif n’est pas le Parlement des Français juifs. Dans un pays laïc, ce serait une aberration, presque une monstruosité. Le Crif représente les associations qui acceptent d’en faire partie – on sait que le Consistoire l’a quitté – et qui y ont été admises. Cette représentation ne tient pas assez compte aujourd’hui des Juifs qui habitent les lieux où se déroulent la majorité des actes d’hostilité. Elle peut être modifiée.
Le Crif prend à cœur ses missions statutaires : garder la Mémoire de la Shoah, lutter contre l’antisémitisme et défendre l’Etat d’Israël. Ces missions s’interpénètrent, car pour tenir debout, la lutte contre l’antisémitisme repose aujourd’hui sur un pied droit, la lutte contre la judéophobie, pour reprendre le terme de Pierre André Taguieff, et sur un pied gauche, la lutte contre l’israélophobie.
Celle-ci consiste à consacrer une demi-page à une famille palestinienne expulsée et une demi-ligne aux 150 habitants d’un village africain massacrés par les islamistes. Elle aboutit à dénier à Israël, si ce n’est son droit à exister, du moins son droit à se défendre, ce qui au fond revient au même. Lutter contre l’israélophobie, ce n’est pas donner quitus à des actions israéliennes qui violeraient les droits de l’homme, mais de s’y opposer ni plus ni moins quand d’autres pays s’en rendent coupables. Ces pays que le scandaleux Conseil des Droits de l’Homme se garde systématiquement de critiquer…
La judéophobie a pris au cours de l’histoire de multiples visages dont certains continuent de percoler, qui attribuent au complot des Juifs tous les malheurs du monde. Le poids de la Shoah domine évidemment la judéophobie contemporaine. Mais c’est l’israélophobie, de plus en plus agrémentée à la sauce islamiste, qui a tué récemment, et notamment en France. La lutte contre la judéophobie, autrement dit l’antisémitisme classique, a mis les institutions juives à l’unisson des forces démocratiques de notre pays. Le discours de Jacques Chirac au Vel d’Hiv en 1995 en reste un marqueur.
Mais la leçon de la Shoah ne prévient aucunement des formes d’antisémitisme où la haine d’Israël se mêle à la prédication islamiste et à la revendication anticolonialiste. Alimentée par le fatalisme, le clientélisme, le victimisme et parfois par la peur, la résistance à la dénonciation de l’israélophobie est puissante et alimente un déni, déni de la réalité dont la mise en exergue d’une islamophobie imaginaire est aussi bien une stratégie qu’un symptôme.
Ce déni rend par contre-coup le Crif impopulaire. C’est ce qui fait l’honneur de cette institution. Je suis sûr que Yonathan Arfi saura mener avec justesse le combat des idées dont dépend l’avenir des Juifs en France.
Dr. Richard PRASQUIER