Close

L’année 2023, le 7 octobre. Des illusions perdues ; des tâches nouvelles et des admirations confirmées

Chronique Radio J.

De cette année civile 2023 qui [vient de] s’achever, le voile noir du 7 octobre ravive le tragique et lointain passé et oblitère le proche avenir. « Kara ason ». Il y a eu un désastre. Désormais, pour nous, Juifs de Diaspora, l’essentiel est désormais ce qui se passe en Israël. Par la parole, par la présence, par l’argent ou par l’hospitalité, chacun peut aider, car le combat d’Israël ne se joue pas qu’en Israël et le combat d’Israël n’est pas que pour la survie d’Israël.

Encore faudrait-il que chacun le comprenne et nous en sommes très loin. En 2023, la boussole morale du monde s’est déréglée plus encore que le climat. 

Que des massacres d’infidèles aient généré l’enthousiasme de foules entières dans des villes musulmanes, nous l’avions déjà vu, et déjà oublié, après les attentats du 11 septembre. 

Que des vidéos barbares aient été produites pour renforcer le prestige de leurs auteurs, Daesh nous en avait donné des préfigurations. Nous pensions qu’elles étaient une monstruosité tératologique, mais le Hamas a largement surpassé Daesh, alors qu’il fait partie des Frères Musulmans, un mouvement qui a pignon sur rue dans la plupart de nos pays.

De plus, dès le lendemain du massacre de Juifs s’ouvre la chasse aux mêmes Juifs dans les universités américaines, avec des professeurs en porte bannière, des étudiants aussi incultes que déterminés  et des autorités universitaires silencieuses. Cela a été une stupéfiante nouveauté. C’est une des dérives de l’idéologie woke, aussi humaniste et inclusive en théorie qu’elle est en pratique intolérante à ceux qu’elle estampille comme oppresseurs, ce camp du mal où Israël occupe une place de choix. 

Le woke pousse des féministes scandalisées à accuser le Président Macron de favoriser la culture du viol, parce qu’il rappelait, à propos de Depardieu, qu’il existe une présomption d’innocence. Mais ces mêmes mouvements, par solidarité au camp du bien, n’avaient rien trouvé à dire sur les viols du 7 octobre, puisque le Hamas, membre du club des victimes, ne peut pas avoir, par définition, de culture du viol. 

Outre ces aberrations idéologiques, nous avons vu défiler des motivations humaines plus banales : l’appât électoraliste, la peur physique et la solidarité avec le groupe. En témoignent LFI et son inénarrable leader ainsi que la quasi totalité des dirigeants communautaires musulmans. Incapables de dire d’où venait l’horreur, ils ont vidé de tout intérêt les discours d’amitié prononcés en période de vaches grasses du « vivre ensemble », ces périodes où la parole est sans risque, mais aussi sans poids.

Je voudrais rendre hommage aux chrétiens, libres penseurs, musulmans aussi, votant à droite comme à gauche, qui ont été abasourdis par la barbarie du 7 octobre et qui se sont associés au traumatisme profond que ressentaient les Juifs dans leur ensemble. Parmi ces derniers, bien des farouches pacifistes, comme l’étaient certaines des victimes du 7 octobre, ont perdu beaucoup de leurs illusions. Il en est de même pour moi, qui n’ai jamais été un militant de la paix, mais qui essayais d’être un militant de l’échange.

Au-delà même de ceux qui sont engagés, beaucoup de nos concitoyens n’ont pas compris que les massacres du 7 octobre n’étaient pas une péripétie parmi d’autres dans un conflit interminable. Ils n’ont pas compris que par leur ampleur et leur sauvagerie, elles renvoyaient les Juifs aux pires épisodes de leur histoire. Que l’ONU, une assemblée où le monde musulman dispose de près de 60 voix a priori et Israël d’une seule, n’est pas légitime à porter la voix de la morale et que beaucoup d’ONG sont contaminées par un activisme anticolonial partial dont Israël est une cible confortable. Beaucoup n’ont pas compris que le Hamas ne veut pas résoudre la question palestinienne mais utiliser cette question pour promouvoir l’islamisme dans son processus d’expansion mondiale. Que les événements du 7 octobre n’étaient pas le fruit prévisible d’une occupation, puisque Gaza n’était pas occupée, ni de sa transformation en un « camp de concentration à ciel ouvert », puisque 40 000 gazaouis allaient chaque jour travailler en Israël, que d’autres circulaient sans difficulté au Moyen Orient et que des trafics, des flux énormes d’argent, de matériaux de construction et d’armes s’y déroulaient. Non, ce terrorisme abject était le résultat d’un endoctrinement à la haine enseigné dans les écoles gérées par l’UNWRA avec le généreux et aveugle concours financier de l’Union européenne, endoctrinement qui se perpétuera pendant leurs années d’adultes, faisant actuellement de la paix des cœurs une irresponsable illusion.

Ils n’ont pas compris enfin que sur le plan moral, l’intentionnalité doit compter, sinon le droit disparait. Autrement dit, qu’un bombardement où des civils meurent alors que ceux qui bombardent essaient de réduire les pertes n’équivaut pas, même si un mort est un mort, au massacre bestial d’une population civile. Otto Ohlendorf, chef de l’Einsatzgruppen D, responsable de massacres de Juifs en Ukraine et en Moldavie, tenta lors de son procès de les assimiler aux bombardements des Alliés sur l’Allemagne qui survinrent des années plus tard. Il fut pendu, et à fort juste titre.

Il est difficile mais nécessaire d’expliquer cette guerre à des gens de bonne volonté, pétris de considérations humanitaristes, mais dont l’ignorance souvent stupéfiante n’empêche pas d’avoir des opinions arrêtées, à l’instar de ces étudiants américains qui hurlent «  la Palestine du fleuve à la mer », sans savoir de quelle fleuve et de quelle mer il s’agit et sans comprendre que cette phrase implique la destruction d’Israël.

L’année 2023 aura acté un affaiblissement des pays occidentaux. 

L’an dernier, on se félicitait du réveil de l’Europe. L’Ukraine taillait des croupières aux Russes dont l’économie allait s’effondrer sous le poids des sanctions ; la chute de Poutine n’était qu’une question de temps et Zelensky était l’homme de l’année. Les manifestations populaires marquaient la fin proche du régime des mollahs iraniens. Rien de cela n’a eu lieu. Russie et Iran n’ont jamais été aussi puissants et populaires dans le monde, et sont pour l’instant les vainqueurs de la guerre de Gaza.

En contraste, les pays de ce qu’on appelait la France-Afrique ont chassé leur ancien protecteur et, sur la scène internationale, la France compte désormais moins que le minuscule Qatar. La faiblesse militaire de nos démocraties, en dehors des USA, est flagrante et le décès de Jacques Delors souligne le déclin de la parole européenne. L’Europe continue de bâtir des règlementations, comme si elle était seule au monde pour apporter la bonne parole, alors que dehors la guerre informationnelle fait rage et que l’intelligence artificielle manipulée par les dictatures aidera à abrutir encore plus nos populations.

Dans ce sombre constat des illusions perdues de l’année 2023, il ne faut pas exonérer Israël. Nous avons dû avec accablement reconsidérer notre confiance dans la protection sécuritaire de la population et nous assistons à la mauvaise gestion des 200 000 réfugiés internes du pays. Une commission d’enquête exhaustive fera sans aucun doute le point sur les défaillances, mais aujourd’hui le temps est au soutien. Il faut assumer que des Gazaouis sont des victimes de cette guerre, car toute guerre et surtout une guerre dans les villes est une tragédie humaine, mais il n’y a pas de place au doute : c’est le Hamas qui a voulu cette guerre.

Il est d’usage de choisir un héros pour l’année. Le Time Magazine a choisi une chanteuse américaine, parce qu’elle est devenue la première milliardaire en dollars dans sa profession. Ce choix n’est pas aberrant, mais il est dramatique, car il révèle le danger qui guette nos sociétés biberonnées au divertissement.

Pour moi, mon héros de l’année sera  le soldat israélien anonyme qui sait pourquoi il se bat et qui essaie de se battre de façon humaine. Au jour d’aujourd’hui, 491 d’entre eux ont été tués depuis le 7 octobre dont 164 depuis le début de la guerre, 2 066 ont été blessés. Ces soldats sont la pointe avancée de l’admirable société civile israélienne, ces hommes et ces femmes, avec toutes leurs dissemblances, qui tiennent bon, qui aident, qui suppléent aux carences et qui parfois, le 7 octobre, se sont précipités spontanément pour défendre leur pays. 

Depuis ce jour fatal qui continue de saigner dans notre mémoire, il y a les victimes et leurs familles ; il y aussi les otages non libérés dont leurs familles ne savent rien. C’est à eux que [j’ai pensé] quand [s’est achevée] l’année civile 2023.

Dr. Richard PRASQUIER

https://world.hey.com/richard.prasquier