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Un colloque qui a eu lieu ailleurs. Réflexions sur la Science et la Communication

Le 9 novembre, l’administrateur du Collège de France, Thomas Römer, a annulé un colloque sur la Palestine et l’Europe qui devait avoir lieu quelques jours plus tard, en rappelant, entre autres, qu’un débat scientifique doit assurer une pluralité d’analyses et de perspectives. Il y a eu après cette annulation des communiqués de protestation qui auraient impliqué plusieurs milliers de chercheurs.  On ne savait pas qu’il y avait en France autant de spécialistes universitaires sur le sujet… 

Disons les choses simplement, la partialité absolue du colloque crevait les yeux et le nombre de protestations ne change rien à cette réalité. Tout indique que ce colloque visait à promouvoir un narratif  anti-israélien, dans le cadre d’une stratégie communicationnelle élaborée. L’organisme coorganisateur était le Centre arabe de recherches et d’études politiques, le Carep, financé par le Doha Institute for Graduate Studies, fondé par Azmy Bushara, ancien député arabe à la Knesset, démis pour espionnage en faveur du Hezbollah et proche de l’émir du Qatar. C’est d’ailleurs ce centre, qui se prétend évidemment neutre et scientifique  et qui est situé -ça ne s’invente pas !-rue Raymond Aron à Paris, qui a hébergé le colloque qui y a eu lieu après l’annulation.

Pour optimiser un message, le poids symbolique de son lieu d’émission et le prestige de celui qui l’incarne sont d’une importance capitale. Pour le lieu, rien de mieux que le Collège de France, sommet de l’excellence académique. Quant au porteur du colloque, on a soudainement  entendu dans les médias que  le Professeur Henry Laurens, titulaire  de la chaire « Histoire contemporaine du monde arabe » du Collège de France et peu connu jusque-là dans le public, était la référence absolue sur le conflit israélo-palestinien.

Dans la fabrique de l’opinion, c’est Edward Bernays, double neveu de Sigmund Freud, qui, il y a cent ans, a montré l’importance de la parole des supposés experts, tels ces médecins qui poussaient alors les femmes à fumer parce que, entre autres, cela calmait les nerfs et permettait de maigrir. A l’époque du Covid, le délire de l’hydroxychloroquine a été porté par l’assertion absurde que le Professeur Raoult était unanimement reconnu comme le meilleur virologue du monde.

Henry Laurens, un spécialiste du monde arabe qui ne connait pas le monde juif et ne veut pas le connaitre n’a  invité à son colloque aucun historien ou politiste  neutre ou un peu favorable à Israël. Dans ses livres une minutieuse documentation passe dans le lit de Procuste d’un filtre explicatif unique: Israël est la créature coloniale de l’Occident et rien d’autre ne compte. Interrogé le 23 octobre 2023, le Professeur Laurens qualifie l’accusation d’antisémitisme d’arme politique, souligne que les Palestiniens ont le droit de se défendre et avertit que le soutien de l’Occident à Israël va lui valoir  dans le monde un ressentiment justifié. Quinze jours  après les massacres du 7 octobre qu’il juge implicitement comme une péripétie, il n’a aucun mot sur les victimes. S’il admet le terme d’atrocités pour les  désigner, c’est toujours pour le mettre en regard d’un terrorisme israélien qualifié de structurel. En somme, Henry Laurens, c’est  un Jean -Luc Mélenchon qui aurait obtenu une chaire au Collège de France.  Denis Charbit, qui n’est pas un ultra-sioniste fanatique, démonte  au scalpel sa rhétorique, aussi simpliste que biaisée.

Le mot colonial est un de ces termes figés qui servent à disqualifier l’adversaire en lui imposant une marque d’infamie qui ferme le débat. Mais que dire du mot génocide ? Il était omniprésent dans l’intervention de Francesca Albanese, rapporteur des Droits de l’Homme aux Nations Unies, une des «guest stars» du colloque, dont les titres prestigieux  servent à promouvoir un narratif si odieusement anti-israélien qu’il a souvent été qualifié d’antisémite. Elle n’a pas droit à utiliser le terme de génocide sur lequel la Cour Internationale de Justice ne s’est pas encore prononcée, mais exploitant le prestige de sa fonction à l’ONU, elle le fait continuellement cherchant ainsi à flétrir Israël d’une étiquette ignominieuse qui a l’avantage supplémentaire de  gommer la Shoah.

On trouve la même haine chez une autre vedette de ce colloque, Josep Borrell, ancien Haut-Représentant de l’Union européenne pour les Affaires étrangères. Au micro de France Culture il reprend sans réserve les chiffres de mortalité à Gaza fournis par le fameux, mensonger et d’ailleurs inexistant Ministère de la Santé du Hamas. Il reproche à son interlocuteur de ne pas être capable de saisir un massacre d’une telle ampleur et quand celui-ci, le journaliste Guillaume Erner, lui rétorque poliment qu’il vient d’une famille qui a payé son tribut à la Shoah, Borrell s’emporte contre cette allusion à un passé dont il dit qu’il est révolu et politiquement manipulé. C’est d’ailleurs un des thèmes du colloque.

Ceux qui à juste titre ont tiré la sonnette d’alarme, la LICRA entre autres, étaient mal à l’aise avec l’idée d’interdire un colloque universitaire, et de fait celui-ci n’a pas été interdit, il a été déplacé. Bien entendu, les protestations ont porté sur la sacro-sainte liberté d’expression, particulièrement importante dans le monde de la Science. Voilà qu’on en était revenu aux temps de Galilée et de l’Inquisition..

Il ne faut pas être naïf. Il y a eu des pseudo-colloques scientifiques en Allemagne nazie sur les théories raciales, il y en a eu en Union Soviétique pour soutenir les thèses de Lyssenko. Pour qu’il y ait science, il faut qu’il y ait débat et discussion sur les désaccords, ce que ne proposait aucunement le colloque de M. Laurens.

L’accusation que l’on essaie de restreindre la liberté n’est pas toujours un sursaut  moral, c’est parfois un moyen d’inverser la charge morale. Comme tel, c’est un  efficace outil de communication politique.

Certains de ceux qui ont protesté contre l’annulation n’avaient en même temps pas de mots assez durs pour fustiger la moindre présence ou manifestation pouvant être considérée comme pro-israélienne ou pas suffisamment anti-israélienne, dans les universités, les salles de concert ou les terrains de sport.

Ils n’ont rien inventé. Pas de liberté pour les ennemis de la liberté, c’était déjà la devise de Saint Just, le théoricien de la Terreur Révolutionnaire. Comme lui, certains des partisans  de ce colloque s’arrogent le droit de définir eux-mêmes ce qu’est la liberté acceptable. Quant aux autres, ils prennent plaisir à rester dans le confortable mirage de l’illusion et de l’aveuglement.

Dr. Richard PRASQUIER

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