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Deux ans après. Le souvenir de Reim.

Malgré la conjoncture, ses espoirs, je parle du retour possible des otages, et ses angoisses, je parle de la situation de la France, il m’est difficile d’écarter mon esprit de ce jour d’il y a un peu plus de deux ans. Je ne sais comment le nommer – pogrome, razzia ou massacre – et il restera probablement dans notre mémoire comme le «7 octobre», de la même façon que les attentats de 2001 gardent le nom de « nine eleven », le 11 septembre.

Tous les auditeurs de cette chronique n’ont cessé d’y penser et plutôt que d’en répéter la sinistre chronologie, je voudrais évoquer un des héros de cette journée, un jeune homme qui justement était né en 2001, l’année des attentats aux Etats Unis. 

Le sergent Aner Shapira, soldat de la brigade Nahal n’était pas en service ce jour-là. Féru de musique et lui-même auteur de chansons, il était allé au festival Nova de Reim, avec son meilleur ami, le jeune israélo-américain Hersch Goldberg Polin.

Aner provenait d’une famille pas tout à fait banale. Il avait fait ses études à l’école Himmelfarb de Jérusalem, une école  fondée en 1920 dans une orientation sioniste religieuse, ouverte au monde et aux autres croyances.  L’un de ses grands pères était professeur d’histoire de la halakha à l’Université de Jérusalem, une de ses grands mères avait reçu le Prix d’Israel pour ses travaux en philosophie des sciences. L’un de ses arrière grands-pères, Haim Moshe Shapira, élevé dans les yechivot de Lituanie, avait été l’un des dirigeants du mouvement sioniste religieux, signataire de la Déclaration d’Indépendance.et ministre de 1948 jusqu’à sa mort en 1970. 

Il était un des dirigeants israéliens les plus modérés quant aux relations avec le monde arabe et avait été -coincidence étonnante- grièvement blessé en 1957 par une grenade lancée dans la Knesset par un jeune Israélien qui cherchait à tuer le Premier Ministre David Ben Gourion. C’était l’époque où les mesures de sécurité n’étaient pas ce qu’elles sont aujourd’hui. Le terroriste, qui voulait apparemment venger les Juifs de Syrie négligés par l’administration israélienne, créa un parti politique après avoir passé quinze ans en prison… C’est cela aussi Israël…

Le 7 octobre 2023, Aner Shapira se réfugie dans un abri collectif de fortune, un miklat derekh, comme il en existe autour de Gaza, destiné à  éviter les roquettes  mais pas les incursions humaines. 

Arrivé parmi les derniers, il se tient près de l’entrée de cet abri qui n’a pas de porte et tente de rassurer ceux qui, entassés avec lui, sont terrifiés. 

Les terroristes du Hamas lancent à la main des grenades à l’intérieur de l’abri. Calmement, il les attrape et  les renvoie.

 «N’ayez pas peur, dit-il, l’armée va venir et nous sauver». Sept fois, il rejette une grenade vers l’extérieur. La huitième lui explose dans les mains et le tue. Près de lui, Hersch Goldberg Polin a l’avant bras arraché. et se fait un garrot avec sa ceinture. Il sera plus tard capturé par le Hamas et onze mois après exécuté dans un tunnel avec cinq autres otages.

L’onde de choc amplifiée par la structure de l’abri blesse, assomme et plaque au sol les Israéliens réfugiés. Les membres du Hamas pénètrent dans l’abri et tirent à la kalashnikov sur les corps allongés. Ils le font en riant, dira l’un des survivants….car sur la trentaine d’Israéliens réfugiés dans l’abri, sept ont survécu cachés sous les cadavres. Une fois les terroristes partis, ils  se trainent dehors, dans un paysage d’apocalypse, incendies,  véhicules brûlés et  cadavres. Les premiers secours n’arriveront que tard dans la journée. 

«Je n’ai jamais vu quelqu’un faire preuve d’un tel sang-froid. Grâce à lui, je respire encore», diront quelques survivants du massacre. 

Aner Schapira a été enterré au cimetière militaire du Mont Herzl à Jérusalem et son nom est inscrit dans le Livre des héros de Tsahal. Ils furent nombreux, et de toute origine, ceux qui perdirent la vie ce jour-là en défendant leurs proches, leur famille et leur nation. 

Deux ans plus tard, Israel a sous les drapeaux 170 000 soldats d’active et 130 000 en service de réserve. Chaque jour, près de 5% des Juifs non-haredim de tout âge sont en service dans l’armée. Cela signifie que 30% des familles juives israéliennes non-harédies ont au moins un membre en service actif ou dans la réserve, et par conséquent, si on inclue les collatéraux,  il n’est guère de famille qui ne soit pas directement impliquée dans la guerre actuelle. Aussi lourde de conséquences que soit cette situation et au-delà de tous ses antagonismes, qu’il ne faut pas minimiser, la société israélienne accepte la situation. Elle se bat. Elle sait pourquoi elle le fait et elle sait qui sont ses véritables ennemis, bien que la tentation existe chez certains d’accuser le monde entier au prétexte d’un antisémitisme inextinguible.

Mais force est de constater que Israël est l’objet d’une cabale orchestrée par une subtile propagande qui a su transmuter le ressentiment en vertu, canaliser la colère en interdisant le débat et flécher l’émotion en sélectionnant les victimes. Cette cabale tient pour négligeable le fait que l’origine de ce que certains appellent un carnage est l’action du Hamas le 7 octobre avec sa volonté génocidaire et son refus  de rendre les otages. Les jours qui viennent montreront si la soi-disante acceptation du plan Trump par le Hamas se traduit par une réalité ou, ce qui pourrait être très grave, si le malaxage de ce plan le dénaturera aux yeux des Israéliens tout en laissant au président américain son illusion d’être un faiseur de paix.

La torsion profonde de la réalité, qu’est le palestinisme, cherche à s’infiltrer, par diktats et menaces dans nos sociétés submergées par une masse d’informations qui sont souvent des désinformations, apeurées par la perspective de blâmes moraux péremptoires et impressionnées par les termes d’une novlangue orwellienne qui a abandonné ses références à la vérité pour se transformer en arme de dénigrement contre Israël 

Le jeudi 2 octobre, jour de Yom Kippour, la marine israélienne a réalisé une superbe opération dont presque personne ne lui a su gré. Elle a arraisonné les bateaux de la flottille pour Gaza sans faire un seul blessé et a renvoyé dans leurs pénates les acteurs de cette ridicule aventure où les messages instagram des héroïques navigateurs tenaient lieu de nourriture aux Gazaouis. 

Deux jours plus tard, l’inénarrable Greta Thunberg postait la photo d’un prisonnier palestinien particulièrement décharné. Elle voulait dévoiler ainsi au monde les conditions horribles dans lesquelles étaient maintenus les prisonniers palestiniens en Israël ,- conditions dont elle avait souffert elle-même car il semble qu’elle ait été privée de nourriture pendant près de huit heures…

Manque de chance, ce prisonnier était l’Israélien Evyatar David, otage du Hamas.

Le message fut rapidement effacé. Les détails seront probablement vite oubliés par les innombrables admirateurs de Greta Thunberg, mais il en restera le bruit de fond, la confirmation de l’inhumanité des Israéliens.

Cette erreur grotesque de l’égérie suédoise symbolise de façon caricaturale le mimétisme et l’inversion dont Caroline Fourest a remarquablement parlé dans son intervention à la soirée organisée par le Crif en mémoire du 7 octobre, une journée où il y a probablement eu dans le monde plus de manifestations en soutien au Hamas qu’en commémoration du massacre des Juifs. 

Quant à moi, je garde l’image de ces terroristes entrant dans l’abri de Reim après la huitième grenade et faisant en s’amusant un carton sur les corps allongés des Israéliens.

Cette image me hante. C’est celle de la Shoah par balles, un vrai génocide…

Dr. Richard PRASQUIER

https://world.hey.com/richard.prasquier