
Le discours du Président Macron à l’ONU et la reconnaissance de la Palestine
Ce lundi 22 septembre, Emmanuel Macron à la tribune des Nations Unies devait penser que sa vocation n’était désormais plus tellement de présider la France, ce pays ingouvernable, que de réparer le monde.
Lui qui n’a aucune expérience militaire, finissait son discours, dont je vais essayer de suivre l’argumentation, par une réflexion sur la guerre destinée à une délégation israélienne ostensiblement absente :
« La paix est beaucoup plus exigeante, beaucoup plus difficile que toutes les guerres. Mais le temps est venu… ».
Il est facile d’exiger pour autrui ce qu’on n’a pas besoin de s’imposer à soi-même. A la France, Emmanuel Macron ne faisait courir aucun risque. Pour Israël, qui fait face à un ennemi entièrement voué à sa perte, il jouait avec sa survie…
Le Président français prétend bâtir la paix. Qui pourrait ne pas souscrire à un tel objectif ? Mais le diable n’est pas dans le projet, il est dans les détails et ceux-ci ont de quoi laisser sceptiques des Israéliens qui n’ont pas le droit à l’erreur.
Le Hamas est déjà vaincu sur le plan militaire, dit le Président comme si cela était un acquis définitif et un résultat qui n’aurait guère demandé d’effort à Israël. Il reste à le vaincre sur le plan politique et ce travail difficile, Emmanuel Macron veut en être le maitre d’œuvre. D’ores et déjà, dit-il, la reconnaissance de la Palestine par la France est une défaite du Hamas: message à envoyer à l’organisation terroriste qui ne l’avait probablement pas compris ainsi quand elle s’est réjouie de l’initiative française.
Il s’agit de mettre en œuvre un plan de « paix et de sécurité ». dont la première étape, une urgence absolue, consistera à coupler la libération des 48 otages israéliens et la fin des opérations militaires,
Pour ce résultat, il suffit, suivant Emmanuel Macron, de compter sur le Qatar et l’Egypte, avec les Etats Unis en arrière-plan, à condition qu’Israel n’entrave pas leurs efforts. Si tel est le cas, ces préalables devraient être vite réglés, et la France pourrait alors ouvrir son Ambassade en Palestine.
Ensuite, il faudra reconstruire Gaza, une tâche à laquelle s’attèleront l’Autorité palestinienne, dont le Président Abbas a promis de façon crédible d’adopter un comportement démocratique, efficace et respectueux de son voisin israélien. Quant aux forces de sécurité dont il disposera, elles auront été entrainées par la France et ses alliés, et elles parachèveront le démantèlement du Hamas.
Pour parfaire ce travail, Emmanuel Macron envisage une initiative originale: confier à l’ONU une mission de sécurité civile et militaire.
Si j’ai bien compris, il s’agirait de faire appel à l’UNWRA dont chacun connait le glorieux palmarès, et de l’associer à une force militaire internationale analogue à l’UNIFIL cette force d’interposition au Liban qui avait laissé faire le Hezbollah, censé se tenir loin de la frontière…
Si le gouvernement israélien ne s’engageait pas dans un plan si prometteur, la France et l’Europe en tireraient les conséquences sur le plan économique. Actuellement, dit Emmanuel Macron, 142 Etats tendent à Israël une main prête à être serrée. Il ne précise pas si l’Iran est inclus parmi ces Etats….
Je fais partie de ceux qui pensent qu’Emmanuel Macron est parfaitement sincère quand il parle de son admiration pour Israël et quand il fustige l’antisémitisme, mais j’ai été accablé par la naïveté du plan présidentiel.
Se fier aux promesses d’une Autorité palestinienne qui a prouvé son incurie (le terme vient d’Emmanuel Macron lui-même), qui n’a cessé de pratiquer le double langage et qui en tout état de cause, si des élections avaient lieu serait balayée par le Hamas, cela relève de la méthode Coué.
Penser avoir tout compris à la guerre de Gaza parce qu’on a rencontré des victimes, par exemple des Gazaouis réfugiés en Egypte à el-Arish et adopter le narratif manigancé par une propagande anti-israélienne extraordinairement efficace, témoigne en même temps de présomption et de crédulité.
Ignorer que toute guerre est tragique, qu’une guerre urbaine frappe particulièrement les civils, que ce fut le cas dans la guerre contre Daech où la France était elle-même engagée, que ce l’est encore plus là où les souterrains ajoutent une dimension nouvelle aux opérations mais que jamais un belligérant n’avait encore utilisé la mort de sa propre population comme arme de guerre pour disqualifier l’ennemi, c’est montrer indifférence à l’égard des réalités militaires sur le terrain et aveuglement sur l’objectivité des medias.
Ne pas rappeler dans son discours que la haine anti-israélienne ressassée à longueur de temps dans les sociétés palestiniennes, est associée aujourd’hui à un Islam de conquête qui risque de prospérer dans le Gaza nouveau qu’il envisage, c’est, enfin, faire preuve d’une légèreté aux conséquences potentiellement funestes.
Le Président a parlé avec émotion du 7 octobre, mais il ne semble pas avoir compris que l’horreur du massacre, qui a touché des Israéliens particulièrement attachés à l’idée d’un état palestinien, a rendu le soutien à cette idée d’autant plus problématique que chacun a vu l’enthousiasme qu’a suscité cet événement dans les foules palestiniennes.
Il y a bien des arguments juridiques pour être hostile à la reconnaissance de la Palestine. Certains rappellent que dans une période sans gouvernement on ne doit traiter que d’affaires courantes ou urgentes et que cette reconnaissance n’est ni une affaire courante, ni une affaire urgente.
D’autres rappellent que l’article IX de l’Accord intérimaire israélo-palestinien de 1995, qu’on appelle Oslo II, interdit à l’autorité palestinienne toute initiative diplomatique.
D’autres encore se réfèrent à la réunion de Montevideo en 1933, qui définissait les critères d’un état, pour constater que la Palestine actuelle ne les remplit pas.
Il en est même qui, partisans du grand Israël, signalent que la conférence de San Remo qui en 1920 a façonné le Moyen Orient après la défaite ottomane, ne parlait pas de foyer arabe en Palestine en même temps qu’elle avalisait la déclaration Balfour.
En ce qui me concerne ces arguments juridiques pèsent peu devant une tragique constatation. Alors que pour les Juifs un second cataclysme émotionnel est survenu à partir du 8 octobre quand ils ont vu se déchainer un antisémitisme contre lequel la frilosité de la réponse judiciaire et politique a été patente, la reconnaissance d’un Etat de Palestine alors que le Hamas n’est pas encore vaincu, suggère que ce massacre a été une bonne idée.
Quoi qu’ils pensent par ailleurs de tel ou tel aspect de la politique israélienne, un tel message est insupportable pour l’immense majorité des Juifs, et, je l’espère, pour la plus grande partie de la population française…
Dr. Richard PRASQUIER