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Hommage au Docteur Paul Benaïm par le Professeur Robert Haïat

Le Dr Paul Benaïm nous a quittés.

Avec sa disparition, l’AMIF perd un ami fidèle qui assistait régulièrement aux manifestations de l’Association, souvent accompagné de son épouse Nicole, également cardiologue, décédée quelque temps avant lui, avec laquelle il formait un couple connu et respecté.

Paul Benaïm était né à Oran ; il y menait une vie heureuse jusqu’à ce jour de 1941 où, en pleine année scolaire alors qu’il était en 3 e , un de ses professeurs lui annonça en classe qu’il était exclu du lycée Lamoricière ; sans le savoir, le jeune Paul était devenu soudain un « juif indigène » comme d’ailleurs tous les enfants juifs qui durent quitter les écoles même maternelles, suite à la publication, le 3 octobre 1940, du statut des juifs abolissant le décret Crémieux qui avait fait accéder les juifs d’Algérie à la nationalité française. Paul s’inscrira au cours privé Benichou ; l’enseignement de français y est assuré par un journaliste de 28 ans, encore inconnu ; il s’appelait … Albert Camus.

C’est à Montpellier, que Paul Benaïm commence ses études de médecine qu’il poursuit à Paris dans la filière des concours hospitaliers. Nommé Interne des Hôpitaux de Paris, puis Chef de clinique à la Faculté, il acquière, ce qui est rare, une triple formation de cardiologue, pédiatre et pneumologue ; dès lors, il s’installe à Paris, rue de Liège, tout en devenant l’assistant du Pr Jean-Jacques Welti qui dirige le service de cardiologie de l’hôpital Fernand Widal.

A partir de 1989, il est, avec Arlette Foucher, à l’hôpital Ambroise Paré de Boulogne, le pionnier du syndrome d’apnée obstructive du sommeil, dont il démontre les relations avec l’hypertension artérielle. Pour la petite histoire, il aimait à rappeler que ce syndrome avait été découvert par deux neurologues français, les Prs Christian Guilleminault, qui a enseigné à l’Université de Stanford aux Etats-Unis et Henri Gastaut (Marseille) ; et c’est le Pr Guilleminault qui a imposé la dénomination de syndrome d’apnée obstructive du sommeil alors qu’on parlait jusqu’alors de syndrome de Pickwik, par allusion au cocher obèse et somnolent décrit par Charles Dickens.

Paul Benaïm aimait écrire. Journaliste médical, il contribue à la création de la revue de cardiologie ‘’Cardinale ‘’ dont il deviendra le rédacteur en chef ; il publie régulièrement dans Guysen International News ; il rédige, avec sa femme, de nombreux articles pour le JAMIF. Conteur génial, il exprime tout son talent dans ses livres : ’’ Résurrection d’un Etat ou l’épopée d’Israël racontée aux 13-20 ans et à leurs parents ‘’ ; ‘’ Algérie française : 1830-1962 ‘’; ‘’ Les clés de l’art médical (avec Gabriel Coatantiec) ‘’ mais aussi ‘’ Les Trois vies d’Abraham B. ou histoires insolites d’un médecin parisien ‘’ dans lequel il relate des anecdotes tirées de sa vie professionnelle et raconte ses mémorables rencontres avec des personnalités : Léopold Trepper, l’espion soviétique du réseau Orchestre rouge, pendant la seconde guerre mondiale, qu’il fait hospitaliser, en urgence, sous un nom d’emprunt pour suspicion d’infarctus du myocarde ; Alain Poher, le Président du Sénat, qui fait un œdème aigu du poumon lors d’un voyage officiel à Dakar ; Gérard Illouz, le camarade d’enfance, célèbre inventeur de la technique de liposuccion ; Roger Dadoune, l’ami et professeur de philosophie ; Victor Haïm, le dramaturge ; et tant d’autres, des musiciens surtout qui se retrouvaient de façon informelle dans la chaleureuse intimité de son domicile.

Passionné par son métier, d’une intelligence vive, constamment en éveil, Paul Benaïm promenait sur les hommes et les événements, un perpétuel émerveillement empreint d’un humour qui savait parfois être critique.

L’AMIF présente ses condoléances émues et ses amicales pensées à ses enfants, dont sa fille, Laurence, auteure d’une inoubliable biographie d’Yves Saint Laurent.

Pr Robert Haïat